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Chroniques
Domenico Cimarosa
Il matrimonio segreto | Le mariage secret
En décembre 1791, moins d'un mois après la mort de Mozart, Domenico Cimarosa arrive à Vienne, comme hôte personnel de Leopold II. L'empereur adore le travail de l'Italien et souhaite lui commander un nouvel opéra. Après le règne de l'opera seria, puis celui de l'opera buffa, la mode est alors à la comédie de caractères plus fine, sans héros invulnérable ou barbon acariâtre, qui privilégie l'action au sein d'une cellule familiale réaliste. Pour le dramma giocoso qui verra le jour, Giovanni Bertatti, librettiste de la cour, s'inspire d'ouvrages théâtraux ou lyriques qui ont fait leurs preuves ces dernières années – Mariage à la mode (1743), Le Mariage caché (1768), Le Mariage clandestin (1790), etc. L'aspect critique et mordant de ces originaux a été soigneusement édulcoré, tout comme Cimarosa a choisi la simplification : deux actes seulement et moins d'airs solo qu'à l'accoutumée. Le résultat est un triomphe puisqu'il est notoire que ce Mariage secret a été entièrement bissé le soir même de sa création, le 7 février 1792, au Burgtheater. C'est au Schwetzinger Festspiele que nous emmène la présente production, en juin 1986.
Avec justesse, le metteur en scène Michael Hampe a respecté le cadre d'un lieu unique qui vit au rythme d'une seule journée. Dans ce salon bourgeois, le riche marchand Geronimo espère voir le comte Robinson épouser Elisetta, sa fille aînée, afin d'assurer sa propre ascension sociale. Mais outre la dot qui est en jeu, l'invité n'a d'yeux que pour Carolina, la cadette. Or, deux mois auparavant, cette dernière a épousé en secret Paolino, un commis de la maison, et ne sait comment l'avouer à son père. Quiproquo supplémentaire, la tante Fidalma a des vues sur le jeune homme qui pensait trouver auprès d'elle une alliée... Malgré les rires – la surdité du vieux Geronimo, ou la liste de défauts que s'inventent les uns et les autres –, on tremble bien sûr pour la pauvre Carolina, lorsque la famille conspire pour l'envoyer au couvent, loin du comte. Mais tout finira bien.
Georgine Resick incarne cette héroïne attachante avec un talent vocal indéniable : le legato est conduit avec un souffle inépuisable, très égal, tandis que le récitatif s'avère très nourri et le timbre frais. Barbara Daniels (Elisetta) convainc elle aussi, grâce à une voix large, à une accentuation très fine. Avec un timbre et un impact vocal séduisant, Marta Szirmay (Fidalma) ne se révèle malheureusement qu'au deuxième acte, souvent fausse et dotée d'un médium paresseux durant le premier. Côté masculin, au regard de Carlos Feller, Geronimo sonore mais pauvre en graves, et de David Kuebler, Paolino mal joué, aux attaques souvent ratées, aux récitatifs détimbrés, Claudio Nicolai s'impose comme notre préféré : son chant est bien mené, nuancé et, par un sens de la scène évident, il campe un Robinson expressif sans trop en faire. Malgré les cordes un peu faibles du Drottningholm Court Theatre Orchestra, Hilary Griffiths dirige avec vivacité, sans contraster à outrance, cette « musique qui rend heureux » – pour reprendre les mots de Christophe Rousset.
SM