Chroniques

par laurent bergnach

Domenico Cimarosa
Il matrimonio segreto | Le mariage secret

1 coffret 3 CD CPO (2021)
555 295-2
Alessandro De Marchi joue "Il matrimonio segreto" (1792) de Cimarosa

À partir de 1650 et pour un siècle environ, l’école napolitaine de musique domina l’histoire de l’opéra. Pour la plupart, les compositeurs qu’elle réunit étudièrent puis enseignèrent dans la plus vaste des quatre institutions de la capitale de la Campanie, à savoir le Conservatoire de Santa Maria di Loreto. Il faut citer, par exemple, Francesco Provenzale, Francesco Mancini, Nicolò Porpora, Nicola Fiorenza, Gennaro Manna, Antonio Sacchini (nés entre 1630 et 1730) et, bien sûr, Domenico Cimarosa (1749-1801), l’un des derniers à défendre, hors de son berceau régional, l’identité de cette école. Ainsi, après avoir offert au Teatro dei Fiorentini son premier opéra-bouffe, Le stravaganze del conte (Les extravagances du comte, 1772), Cimarosa va-t-il répondre rapidement à des commandes pour Rome, Florence et Venise. Il séjourne également à Saint-Pétersbourg et à Vienne, les cours étrangères ayant eu vent de sa renommée.

C’est dans la ville de Leopold II, quelques semaines avant la mort de ce dernier, qu’est donné Il matrimonio segreto, au Burgtheater, le 7 février 1792 – une représentation devenue mémorable puisqu’elle fut entièrement bissée sur demande de l’empereur ! Le livret en deux actes est signé Giovanni Bertati (1735-1815), poète impérial comme le furent avant lui Lorenzo da Ponte et Metastasio. Sa carrière compte de nombreuses collaborations, notamment avec Pasquale Anfossi, Giuseppe Gazzaniga ou Gennaro Astarita – aujourd’hui bien oubliés –, mais celle avec Cimarosa reste sans doute la plus célèbre.

L’intrigue s’inspire d’une comédie anglaise (1666) écrite par David Garrick (1717-1779) et George Colman (1732-1794). On y découvre Geronimo, riche marchand de Bologne, ses deux filles Elisetta et Carolina, respectivement l’aînée et la cadette, ainsi que sa sœur Fidalma, veuve argentée qui lui a confié son capital. Le mariage secret qui fait le titre de l’ouvrage est celui de Carolina avec Paolino, un jeune employé de son père. La situation se complique lorsqu’à la passion dévorante de Fidalma pour le jeune homme s’ajoute l’union proposé à la jeune fille par le Comte Robinson, un noble anglais qui devait initialement épouser Elisetta. Finalement le projet de fuite des époux s’effondre face au pardon de Geronimo.

Cet enregistrement témoigne de la présentation de l’ouvrage aux Innsbrucker Festwochen der Alten Musik, en août 2016 (Tiroler Landestheater, Innsbruck). Alessandro De Marchi mène son Academia Montis Regalis avec autant de souplesse que de vivacité [lire nos chroniques de Deidamia, Orlando finto pazzo, Rinaldo, Flavius Bertaridus, La Dirindina, La Stellidaura vendicante, Almira, de la Messe en si mineur BWV 232, du récital Franco Fagioli, de La grotta di Trofonio, San Giovanni Battista, Didone abbandonata, Enrico di Borgogna, Merope et Silla].

Possédant la couleur idéale pour le rôle de la jeune épouse, Giulia Semenzato offre un chant agile, élégant et très fiable [lire nos chroniques d’Orfeo, Lucio Silla et Falstaff]. Tout aussi habile et gracieux, celui de Klara Ek (Elisetta), autre soprano, s’enrichit d’un impact corsé [lire nos chroniques de Tolomeo ed Alessandro, Berenice et Mitridate]. Le mezzo-soprano Loriana Castellano (Fidalma) se distingue, elle, par la rondeur du timbre [lire notre chronique de Pietro il grande]. Leurs confrères sont également trois. Avec un personnage assez falot, qu’il incarne avec une certaine raideur, Jesús Álvarez (Paolino), monolithique, ne peut faire de l’ombre aux deux aînés de la production, Renato Girolami (Robinson) et Donato Di Stefano (Geronimo) [lire nos chroniques de La Cenerentola, Don Pasquale et L’Italiana in Algeri]. Par leur assurance et leur précision, le baryton et la basse sont pour beaucoup dans le rire généré par cette écoute.

LB