• CD

Le 27 juin 2004, à l'âge de quarante-et-un an, Fausto Romitelli nous quittait, laissant une vingtaine d'œuvres qu'il ne faudra pas abandonner à l'oubli. An index of Metals est la dernière d'entre elles, définie comme un vidéo opéra pour soprano, onze instruments amplifiés, multi-projection et électronique ; elle fut créée à Cergy-Pontoise le 4 octobre 2003, lors du festival de la Fondation Royaumont. Pour son auteur, An index… a « pour projet de détourner la forme séculaire de l'opéra vers une expérience de perception totale plongeant le spectateur dans une matière incandescente aussi bien lumineuse que sonore ; un flux magmatique de sons, de formes et de couleurs, sans autre visée que l'hypnose, la possession et la transe ». Déjà présents à la création, il revenait aux talentueux Ictus et George-Élie Octors d'en réaliser ce premier enregistrement.

L'œuvre d'une petite heure est composée de cinq sections – avec autant de processus – entrecoupés d'intermèdes fondés sur des interférences, des bruits électroniques empruntés au groupe finlandais Pan Sonic (qu'on retrouvera en soirée de clôture d'Agora, en juin 2006). Son introduction, quant à elle, est un sample des Pink Floyd – le début de Shine on you crazy diamond, morceau en neuf parties de l'album Wish you were here (1975) –, lancé et stoppé durant plusieurs minutes, avec un effet panne d'énergie qui ne peut qu'attirer l'attention. Plus loin, on retrouvera d'autres hommages au rock psychédélique, avec la guitare et la basse électriques émergeant régulièrement. Les trois textes de la Croate Kenka Lèkovich sont chantés par Donatienne Michel-Dansac dont on a salué maintes fois l'aisance dans la douceur comme dans la folie.

Avant de s'emparer du corps de l'auditeur, le son est envisagé par Romitelli comme une matière à forger. À sa recherche de « grain, épaisseur, porosité, brillance, densité, élasticité » répondent le travail visuel de Paolo Pachini (compositeur, informaticien musical) et Leonardo Romoli (diplômé en restauration d'art, vidéaste) ; « l'image exploite les mêmes caractéristiques physiques que la musique : irisations, corrosions, déformations plastiques, ruptures, incandescence et solarisation de surfaces métalliques qui révèlent leur nature intimement violente et meurtrière ». Ce disque est accompagné d'un DVD qui propose la version originale « trois écrans », mais dont on visionnera bien sûr la réduction, adapté à notre téléviseur, pour admirer toutes sortes de griffures, mouchetures, craquelures passant du bleu-gris au jaune-cuivré, ces éruptions liquides ou gazeuses, ces copeaux de métal, ces débris de verre – images retravaillées mais vierges de toute synthèse.

LB