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Chroniques
Felix Mendelssohn
trios avec piano – transcriptions
Zig-Zag Territoires propose un nouvel opus du jeune et talentueux Trio Dali – rappelons à nos lecteurs que ne manque pas d’accent aigu à la lettre i de Dali : le nom de la formation ne fait pas référence au célèbre peintre catalan, mais à une cité chinoise spécialisée dans l’art du marbre polychrome. Après Ravel et Schubert, qui furent de vraies réussites, l’ensemble s’attaque aujourd’hui aux pages de Mendelssohn, complétés de transcriptions de pièces de Bach réalisées par le successeur du Cantor de Leipzig lui-même.
On sait combien Mendelssohn admirait Johann Sebastian Bach, au point d’adapter dans le goût romantique et de diriger à plusieurs reprises (en 1829 et 1841) la Matthäus-Passion qui n’avait plus était donnée depuis 1750. Conscient des trésors oubliés du Siècle des Lumières, il ressuscita aussi des œuvres majeures d’Händel, comme Messiah HWV 56, ou de Mozart, en les arrangeant. Chef d’orchestre admiré et reconnu, il avait été appelé par le roi de Prusse en 1835 pour réorganiser la vie musicale et avait un cercle de connaissances particulièrement riche, au rang desquels Goethe, Hegel et Heine, pour ne citer qu’eux. Son ami Robert Schumann le considérait comme « le Mozart du dix neuvième siècle ».
Dans l’imposante production de musique de chambre du compositeur allemand, les deux trios occupent une place de choix parmi ses œuvres les plus fameuses. Créé avec un grand succès au Gewandhaus de Leipzig en 1840, le Trio en ré mineur Op.49 n°1 séduisit Schumann qui exprimait ainsi toute son admiration : « c’est le maître du trio de notre époque, comme ceux de Beethoven en si bémol et ré mineur et de Franz Schubert en mi bémol l’étaient en leur temps », deux compositeurs que Mendelssohn a fortement contribué à faire découvrir au public de son temps. Dédié à son ami et confrère Ludwig Spohr, le Trio en ut mineur Op.66 n°2 (1845) est créé avec le même succès, par l’auteur lui-même au piano. De proportions identiques, cette œuvre est plus dramatique et moins immédiatement enjôleuse que la précédente. Elle est ici magistralement interprétée, avec une profondeur et un rythme envoûtants.
Jack Liebeck au violon (remplaçant Vineta Sareika qui a quitté le Trio Dali), Christian-Pierre La Marca au violoncelle et Amandine Savary au piano enchantent par un jeu virtuose, élégant et particulièrement novateur laissant peu de place à l’affectation et au pathos qu’on a l’habitude d’entendre dans ces pages romantiques. Ils n’en entament pourtant pas l’émotion et la tendresse. Les tempi sont vif-argent et regorgent d’énergie, sans privilégier l’acrobatie. Ce qui touche, justement, c’est cette manière très particulière de faire redécouvrir ces chefs-d’œuvre à la façon des instruments d’époque. Le Trio Dali réconcilie ainsi l’ambigüité de ces musiques encore empreintes d’un grand classicisme par leur construction et leur forme, mais résolument tournées vers le romantisme de la première moitié du XIXe siècle.
La prise de son est exemplaire et ne privilégie aucun des trois instruments en particulier. Comme eux-mêmes le disent, ce résultat ne peut être obtenu que par une longue et minutieuse collaboration des artistes qui ne doivent chanter que d’une seule voix. Les transcriptions de Mendelssohn pour violon et piano du choral en prélude Nun komm' der Heiden Heiland BWV 659, initialement conçu pour l’orgue, et sa version pour violoncelle et piano d’Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ BWV 639, choral emprunté à l’Orgelbüchlein, encadrent l’opus 66 et démontrent, s’il en était besoin, l’art et la maîtrise de nos musiciens.
MS