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Chroniques
Felix Mendelssohn
œuvres pour orchestre
Dans un CD paru en 2007 chez Decca, Riccardo Chailly accompagnait Janine Jansen avec le Gewandhausorchester, dans les deux concerti pour violon et la Romance Op.85 pour alto de Felix Mendelssohn (1809-1847). Dans un deuxième intitulé Mendelssohn Discoveries sorti en 2009, il proposait la version londonienne de la Symphonie en la mineur Op.56 n°3 « Écossaise » (1842), le Concerto pour piano en mi mineur n°3 (1844) complété par Marcello Bufalini et une version romaine de l’Ouverture Les Hébrides Op.26 (1830), éditée par le chef et musicologue Christopher Hogwood. Dans ce troisième volume, toujours avec la formation saxonne, il joue cette fois l’Ouverture de Ruy Blas Op.95, pour un premier enregistrement dans la version de 1839, éditée elle aussi par Hogwood, avant les cinq mouvements symphoniques de la musique de scène Ein Sommernachtstraum Op.61 et les deux premiers concerti pour piano.
Cette version originale de Ruy Blas dégraisse un peu la partition plus connue, à l’instar de la direction de Chailly, jamais lourde, en plus d’être rapide et fluide. Même si avec ce parti pris le chef convainc plus dans Mendelssohn que dans Brahms [lire nos chroniques du 26 et du 27 octobre 2013], nous avons déjà évoqué ce qu’il manque aujourd’hui lorsqu’il dirige les musiciens de Leipzig, et qui transparait à nouveau dans cet enregistrement : un manque de souffle avéré et une sur-utilisation du legato, au détriment d’une accentuation qui fait sautiller et briller les plus grandes gravures, à commencer par ceux de Claudio Abbado. Dans cette Ouverture la comparaison avec ce dernier – certes dans la version plus conventionnelle – montre tout de suite ce que possède le discours de Chailly, mais également ce qu’il ne contient pas.
Même remarque en ce qui concerne Ein Sommernachtstraum, originellement composée pour accompagner la pièce de Shakespeare (A midsummer night’s dream), pour laquelle seulement trois pièces avait été demandées, mais dont les cinq réalisées furent conservées dès la première à Berlin, tant la qualité en fut jugée bonne. Plus tard y seront même ajoutée des parties chantées pour donner à l’ouvrage une véritable indépendance concertante (non retenues par Chailly, et pour lesquelles nous en restons à Klemperer avec Janet Baker). Les tempi créent une énergie non dénuée de tenue ni de sens « baroque », ce qui s’accorde bien avec l’Ouverture (Op.21) mais semble, à force de célérité, nous abandonner au passage de l’Intermezzo où l’on entend plus l’espièglerie qui ferait frétiller les notes d’un pupitre à l’autre. Pris trop vite, le Notturno et la célèbre Marche nuptiale passent également à côté du caractère surjoué ou humoristique qui leur sied.
Enfin, les deux concerti pour piano – en sol mineur Op.25 n°1 (1831) et en ré mineur Op.40 n°2 (1837) – s’intègrent parfaitement dans une discographie peu fournie, largement dominée par Rudolf Serkin sous la baguette d’Eugene Ormandy. Aucun changement de direction de la part du chef : jeu rapide, fluide et sans accent marqué en début de phrase. L’orchestre est toujours impeccable et sans scorie, rappelant qu’il est bon d’entendre encore aujourd’hui des enregistrements de studio préparés sur plusieurs jours, malgré la déception d’une captation aussi mate, peu excusable dans une salle comme le Gewandhaus. Le pianiste Saleem Ashkar maîtrise sa partie avec fluidité, même si son jeu n’est pas très libre, surtout à la main gauche, et que son touché relativement appuyé n’est pas complètement en accord avec ce qui se passe à l’orchestre.
Loin de démériter, ce CD aux nombreuses qualités dynamiques laisse toutefois un avis mitigé. Riccardo Chailly est certainement l’un des chefs d’aujourd’hui les plus habiles avec Mendelssohn, mais l’habitude qu’il a prise de supprimer les silences et de ne plus marquer les accents donne aux partitions un poli les rendant parfois trop extérieures.
VG