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Chroniques
Flavio Testi
Saül
En se penchant sur l'histoire de Saül, le Florentin Flavio Testi (né en 1923) pouvait concilier son goût pour le sacré – qui traverse nombre de ses œuvres symphoniques et vocales – et son expérience du théâtre. Comme pour Il furore di Oreste (1956), Il sosia (1982) ou Riccardo III (1987), il puisa dans le patrimoine littéraire étranger, en l’occurrence la pièce de Gide qui fait suite à Nourritures terrestres, datée de 1898 et publiée en 1903. Ce monde de tentations et de secrets coupables avait sans doute du mal à paraître au grand jour : Saül désire le jeune berger David qui aime Jonathan, fils du précédent. Les femmes de l'histoire, une reine manipulatrice et une sorcière empathique, périssent toutes deux sous les coups du « roi dépouillé de tout accent héroïque et victime de sa propre destruction intérieure ».
Honegger, en 1922, et Milhaud, en 1954, s'étaient déjà penché sur l'œuvre de Gide qu'ils illustrèrent de musiques de scène. Flavio souhaitait un opéra, mais dut adapter les cinq actes de la pièce en en retirant douze scènes. Malgré cela, le texte semble encore trop fourni et l'œuvre a du mal à respirer. On s'achemine vers le dénouement grâce à des passages de méditations, d'apartés, de conversations avec des êtres sans doute imaginaires (les trois démons), bref, beaucoup de bavardage inutile à base d'expressions et d'exclamations théâtrales surannées. Gide n'étant malheureusement pas poète, on se lasse vite d'écouter...
Côté musique, Flavio Testi a renoncé au lyrisme des violons, préférant recourir au piano, au célesta, à la harpe. Les cuivres sont importants aussi, puisqu'ils accompagnent la sauvagerie de Saül lors du meurtre des sorciers pour revenir se placer derrière David, à la veille d'écraser le roi. Il y a là un côté grandiloquent qui tient malheureusement parfois du peplum... Mais grande place est faite au silence, ce qui permet aux chanteurs de parler, de susurrer par moment, et redonne de l'humanité aux personnages.
Ainsi, Annie Vavrille (la reine) s'adresse à son époux comme à un enfant malade ou avec la fausse allégeance faite à un homme qu'on déteste. Celui-ci est incarné par le baryton Vincent Le Texier, familier des œuvres contemporaines (Dallapiccola, Saariaho, Manoury), qui possède l'ampleur d’un personnage autrefois prestigieux, aujourd'hui tourmenté. Daniel Galvez-Vallejo a joué Don José et Faust : comment peut-il être crédible dans le rôle d'un gamin de dix-sept ans, même vainqueur de Goliath ? Sa voix puissante de ténor est un choc à chacune des interventions. En revanche, le chant de Fabrice Mantegna (Jonathan) – qui devrait faire merveille dans des mélodies françaises –, et celui, léger et clair, du baryton Renaud Rittelmann, sont les deux plus belles surprises de ce disque.
LB