Chroniques

par bertrand bolognesi

Florian Rodari – Frédéric Wandelière
Hugo Wolf – Le Tombeau d'Anacréon

La Dogana (2003) 112 pages + 1 CD
ISBN 2-940055-44-0
Hugo Wolf – Le Tombeau d'Anacréon, par Florian Rodari et Frédéric Wandelière

Les éditions genevoises La Dogana présentent le numéro un d'une nouvelle collection qui fait heureusement se rencontrer musique et poésie : Le Tombeau d'Anacréon, titre imaginé à partir de l'Anakreons Grab de Goethe, donne le ton à un ouvrage consacré aux Lieder de Hugo Wolf. Qu'on ne se méprenne pas : si vous cherchez une biographie du talentueux et sensible musicien autrichien, celle de Stéphane Goldet (chez Fayard) est la lecture qu'il vous faut.

Le charmant volume jaune publié en Suisse échappe à la classification standard : outre qu'il conclue deux brefs essais fort intéressants par leur mise en regard à travers la consultation directe des poèmes dans leurs versions originale et traduite, il invite à l'écoute, donc à l'investigation personnelle, avec un disque livrant vingt-sept Lieder représentatifs de la production de Wolf. On serait tenté de parler d'un livre-disque ; ce n'est pas cela non plus. C'est un objet (sonore) nouveau, que les contingences éditoriales nous obligent à chroniquer pour vous dans une rubrique destinée au livre sur la musique. S'ouvrant sur les réflexions de Florian Rodari – La voix, l'envol –, que l'on pourra presque estimer méditations d'un romantisme suranné mais aussi attachant sur la voix et ses phénomènes, introduite par une fascinante photographie d’Angelika Kirchschlager en plein travail, réalisée par Isabelle Meister, cette publication propose un matériel de notes qui projettera un rayon salutaire sur votre écoute du disque.

Si la conversation qui s'y trouve rapportée entre la chanteuse et le pianiste ne s'avère pas exceptionnelle ni indispensable, l'essai Hugo Wolf et la poésie : l'unité retrouvée de Frédéric Wandelière est non seulement pertinent et d'une lecture aisée, mais ouvre également des fenêtres dans le ciel desquelles il appartiendra à chacun de s'évader ou non. Une nouvelle fois, le pianiste Helmut Deutsch affirme son talent en réalisant avec Angelika Kirchschlager un fort beau travail d'interprétation ; si la voix porte avec une intelligence sensible les poèmes de Mörike, Byron, Goethe, Keller ou Eichendorff, le clavier esquisse des paysages délicatement rythmés en toute discrétion, sans imposer jamais une expressivité trop franche qui ne correspondrait en rien à l'univers de Hugo Wolf. Si la voix s'élève, comme le dit Rodari, ce Tombeau d'Anacréon ne manquera pas d'élever ses lecteurs. Et lorsqu'on saura qu'il bénéficie d'une présentation soignée témoignant d'un goût fort sûr, on n'y résistera pas…

BB