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Chroniques
Frédéric Chopin
pièces pour piano
Après avoir déclaré à maintes reprises qu'il ne jouerait jamais la musique de Chopin ni celle de Liszt, le très talentueux Piotr Anderszewski présente chez Virgin Classics un enregistrement de quelques ballades, mazurkas et polonaises de... de Chopin, mais oui ! Gageons qu'il fera paraître, dans deux ou trois ans, un disque consacré à Liszt.
Des Mazurkas, qui suivent pas à pas toute la carrière – pour ne pas dire toute la vie – du compositeur, il a sélectionné deux opus. Dans l’opus 59, la première en la mineur bénéficie d'un bel ambitus de nuances, d'une mobilité du temps assez intéressante, d'un beau travail de couleur, et d'une utilisation parcimonieuse de la pédale. Tout se passe plutôt bien, mais les choses vont vite se gâter. La deuxième, pour être servie d'une sonorité d'un indéniable raffinement, est parasitée derubati excessifs qui en brisent la dynamique. La dernière offre des pianissimos très soignés, mais dans un son toujours affreusement gras qui nuit à l'intelligibilité de l'ensemble.
De même ne comprend-on plus grand’chose à la Mazurka Op.63 n°1: le pied trop systématiquement appuyé sur la pédale noie chaque phrase, et le pianiste aura sans doute confondu, dans la réalisation de certains contrastes, violence avec brutalité. La deuxième est jouée avec une lenteur soporifique, ou la mélancolie n'en finit plus d'être mélancolie. Alors que la dernière (en ut dièse mineur) est merveilleusement articulée, dosée, dans une exquise délicatesse.
Suivent deux œuvres plus développées : la Ballade en la bémol majeur Op.47 n°3, ici très étirée, dans une sorte d'immobilisme déroutant. C'est intéressant, installe une atmosphère particulière, qui pourtant sera bousculée par des effets de vulgaire grandiloquence qui rendra presque irritants des traits en eux-mêmes extrêmement brillants. La Ballade en fa mineur Op.52 n°4 est nettement moins heurtée, tout en jouissant d'une belle fougue et d'une grande tenue. Toutefois, rien de la profondeur de la version de Lugansky, pour ne parler que d'enregistrements récents.
Ensuite, on déplore des aigus qui claquent avec disgrâce dans la Polonaise en fa dièse mineur Op.44, un goût peu sûr porté vers une théâtralité malvenue, jusqu'à ce que l'écoute en devienne épuisante ! L'interprétation de la Polonaise en la bémol majeur Op.53 n°6 dite Polonaise héroïque est bien construite, mais manque de folie, si ce n'est le bruit terrible dans lequel elle se termine sur ce disque. Pour finir, on n'en croit pas ses oreilles : Piotr Anderszewski donne la Mazurkas en fa mineur Op.68 n°4 sans complaisance, sans sentimentalité désuète et autre cinéma, dans une grande pudeur, d'une sonorité raffinée et précise, à la hauteur de ses meilleurs moments au concert.
Ce disque demeure inégal : à des excès en tout genre s'associe un art appréciable, notamment dans l'ornementation, mais ses grandes qualités ne parviennent pas à faire oublier des options incohérentes.
HK