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Chroniques
Frédéric Chopin – Auguste-Joseph Franchomme
pièces pour violoncelle et piano
Fruit de l’amitié qui lie la violoncelliste Sol Gabetta au pianiste Bertrand Chamayou depuis plus de quinze ans, l’Album Chopin constitue une vraie révélation. D’abord par l’excellence des artistes, devenus pour l’occasion chambristes en duo, qui défendent un répertoire peu fréquenté, voire inconnu du grand public, puis par la redécouverte du compositeur et violoncelliste français Auguste-Joseph Franchomme, grand ami de Chopin auquel il enseigna les arcanes du violoncelle, seul instrument pour lequel le compositeur polonais écrivit en dehors de son œuvre pianistique. Le programme est centré autour de la Sonate pour violoncelle et piano de Chopin, somptueusement interprétée par nos deux complices. Ils y font régner une énergie contagieuse que ne contredira pas le reste de leur programme audacieux. On y retrouve les trois œuvres originales pour violoncelle et piano composées par Chopin, accompagnées de diverses transcriptions d’œuvres du génie polonais.
Créée à Varsovie en 1829, la Polonaise brillante est un opus de jeunesse, écrit avant sa rencontre avec Franchomme. Le Grand duo concertant sur des thèmes de Robert le Diable date de 1833 et est cosigné par Chopin et Franchomme. L’opéra de Meyerbeer était alors très populaire à Paris [lire notre critique du DVD] et les deux amis ont effectué des transcriptions, à l’image de leur ami Franz Liszt, friand d’innombrables paraphrases sur des ouvrages lyriques célèbres de ses contemporains, comme Bellini, Rossini, Verdi, Gounod, Auber ou Meyerbeer.
La Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur Op.65 est la dernière œuvre publiée du vivant du compositeur, en 1846. Sa durée est importante et son architecture complexe, sans préséance d’un instrument sur l’autre. Comme dit Sol Gabetta à propos du travail difficile mais passionnant de construction effectué sur cette page, « il n’y a plus seulement une voix avec un accompagnement, mais plusieurs voix liées, tissées ensemble. Comme dans la musique de Bach, il faut organiser les plans sonores ».
Trois pièces plus brèves concluent le disque. Tout d’abord, l’Étude en ut # mineur Op.25 n°7, transcrite par Alexandre Glazounov et inédite en CD. « Le violoncelle prend la place de la main gauche du piano, faisant un duo avec la main droite qui, elle, tient en quelque sorte un rôle de soprano », nous dit Bertrand Chamayou dans le passionnant entretien tenant lieu de notice. Bien connu des amateurs de la musique de Chopin, le Nocturne en fa majeur Op.15 n°1 est transcrit par Franchomme qui, à la place de la partie centrale originale, y intégra un extrait du Nocturne en sol mineur Op.37 n°1. Pour finir, les interprètes proposent le Nocturne pour violoncelle et piano Op.14 n°1 d’Auguste Franchomme qui clôt avec éclat ce superbe menu.
Depuis 2006, Sol Gabetta et Bertrand Chamayou ont fait plusieurs tournées ensemble, ce qui leur permit d’approfondir et de parfaire leur collaboration. Leur duo a la fougue et le dynamisme de leur jeunesse, mais ce sont des virtuoses à part entière qui font passer une émotion et une vitalité sans égales. Ces pages rares qu’on a parfois entendues indolentes sont ici transfigurées. L’écoute de ce disque n’est jamais ennuyeuse ; bien au contraire l’on y trouve un plaisir renouvelé, tant comblent la détermination et la complémentarité des solistes. Leur approche est fusionnelle, tout en démultipliant puissance et vitalité – un enregistrement d’exception, à recommander en priorité !
MS