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Ne pourrait-on pas résumer les trois Leçons de Ténèbres réunies sur ce disque par les mots solitude et plainte résignée, tant François Couperin (1668-1733) y traduisit de façon bouleversante les Lamentations de Jérémie ?

À la fin du Moyen-âge, il devint habituel de traiter les leçons, c'est-à-dire les épisodes de la Passion et la glose qui s'y rapporte, par la musique, soit sous forme de chœurs polyphoniques, soit sous celle d'un récitatif orné, de caractère lyrique et accompagné d'instruments. Le ton lugubre de la jérémiade devait, à la période baroque, laisser place à la tendresse et au pathétique, en France particulièrement, et on trouvera dans les travaux de Marc-Antoine Charpentier ou Michel Lambert cette émotion liée à une mélodie simple et poignante. Peut-être est-ce dû au fait que le compositeur de l'époque devait faire attention à ne pas s'éloigner des normes canoniques ou abuser d'effets pouvant s'approcher de l'univers théâtral – dont on sait ce qu'en pensait l'Église ! Martin Gester parle d'ailleurs de « théâtralité immobile » pour évoquer cette œuvre dont la narration nous plonge en pleine catastrophe, dans le sang et les larmes... On peut imaginer dès lors que Couperin, avec la clarté de sa prosodie, l'équilibre de sa déclamation, le sérieux de son écriture, a pu devenir pour l'Église un modèle d'exaltation du sentiment religieux.

Il faut avouer que cet enregistrement m'a semblé systématiser certains partis pris d'interprétation au point de les radicaliser à outrance. L'on constatait cette tendance dans le travail de Martin Gester il y a quelques mois avec son disque Carissimi chez Opus 111 [llire notre critique du CD]. Le traitement de la voix en devient assez irritant, rarement sur la note. L'effet recherché est sans doute une dramatisation supplémentaire sans passer par une surenchère lyrique proprement dite, ce qu'on reconnaîtra comme fort honorable, mais ce n'est pas du tout l'effet obtenu. On voudra bien m'excuser si ces Leçons ne m'ont fait ni chaud ni froid...

HK