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Chroniques
Francesco Cavalli
La Calisto
Harmonia Mundi a mis longtemps avant de se lancer dans l'édition de DVD, mais le résultat est à la hauteur de l'attente. La présentation de ce coffret est d'abord une belle réussite esthétique. Quant au contenu, il présente la célèbre production du Théâtre Royal de la Monnaie (Bruxelles) de La Calisto de Cavalli, dans une mise en scène du regretté Herbert Wernicke. Ce spectacle avait déjà été proposé par Harmonia Mundi avec grand succès en CD, et la représentation avait été diffusée sur la télévision belge RTBF et sur Arte. Ces DVD sont donc déjà bien connus avant leur sortie, mais les retrouver en édition commerciale est une aubaine, car ils constituent l'une des meilleures productions baroques de ces dernières années.
La réalisation vidéo de Jacques Bourton place idéalement le téléspectateur : on a l'impression d'être dans une loge qui n'existe pas, d'où l'on voit toute la scène et juste ce qu'il faut de coulisse pour ne pas être dupe des trucages de ce théâtre dont on ne sait dire s'il est du bon vieux temps ou s'il annonce un avenir nouveau.
La Calisto a été composée sur un livret de Giovanni Faustini et créée vers 1651, à Venise. L'argument en est l'apothéose de la nymphe Calisto, qui sera transformée en Grande Ourse par Jupiter. Il avait, auparavant, essayé de la séduire en prenant l'habitus de Diane dont elle est une des suivantes. De nombreux personnages secondaires (dans l'intrigue, pas dans la musique) gravitent autour des protagonistes : Endymion, prétendant mortel de Diane, Lymphée, vieille nymphe érotomane, un petit satyre, sans parler de Junon, la jalouse.
Dans le développement de l'œuvre, le plus frappant est la prédominance des préoccupations sexuelles des personnages. Et ce sexe est essentiellement caractérisé par une constante ambiguïté : on ne sait jamais vraiment dans l'affaire qui est hétérosexuel ou homosexuel. Les choses sont accentuées pour le spectateur moderne par l'effet des diverses voix de haute-contre ou de fausset qui contribuent à compliquer la clarté de l'exposé. Ainsi Jupiter, qui se travestit en Diane, doit-il alterner baryton et soprano. Au delà de la performance du chanteur, Marcello Lippi, et de celle de René Jacobs qui interprète la succincte partition, nous suivons la clé de cette ambiguïté avec un humour trouble, d'autant que c'est Mercure, le propre fils de Jupiter, qui travestit son père.
Maria Bayo, Calisto franchement amoureuse de Diane, interprète joliment son personnage auquel elle prête une voix exquise et une présence scénique rare. Le ténor Alexander Oliver est une délirante Lymphée. En petit satyre, Dominique Visse chante et danse à ravir. Tous les petits rôles sont très bien tenus.
Musicalement, le Concerto Vocale, placé sous la direction de René Jacobs fait des merveilles. Il faut savoir que la partition originale ne note pas toutes les parties avec exactitude et que l'invention du chef et l'improvisation de ses interprètes doivent palliercet inconvénient. Finalement, la richesse de cette captation est telle que je ne suis pas sûr que l'on y voie la même chose que moi. Il y règne un tel esprit de liberté…
CF