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Chroniques
Francesco Cavalli
La Didone
On redécouvre lentement la production de Pier Francesco Cavalli (alias Pietro Francesco Bruni Caletti, né en 1602, disparu en 1676), parmi laquelle une quarantaine d'opéras, presque tous mythologiques, qui furent vite oubliés après sa mort. Dans l'introduction au livret de La Didone fournie pour la représentation au Teatro San Cassiano de Venise en 1641, le compositeur précise : « cette œuvre ressent des opinions modernes. Elle n'est pas faite selon les règles traditionnelles ». S'appuyant sur un texte de Gian Francesco Busenello, le musicien réputé dans la Cité des Doges s'essaie pour la première fois à mettre en musique une histoire et, déjà, c'est pour enrichir le genre ; il opte pour un pathos et une expressivité des plus passionnés, pour une texture dramatique et une conception mélodique dans la lignée de Monteverdi – s'en montrant digne successeur avec L'Ormindo (1644), La Calisto (1651) [lire notre critique du DVD] ou encore Ercole Amante (1662). Gian Luca Zoccatelli livre l'analyse suivante :
« Précédée d'un prologue solennel dans lequel Iris exhorte les mortels à ne pas offenser les dieux, l'histoire de Didon s'anime au travers de nombreuses pages solistes très différentes les unes des autres par leur caractère et leur structure, conçues tantôt par le simple support de la basse continue tantôt avec un accompagnement instrumental plus articulé, comprenant cinq parties réelles auxquelles le compositeur accorde parfois des moments autonomes qui créent une diversité par rapport à l'action ou qui s'y insinuent avec une parfaite logique pour l'intensifier de façon intentionnelle et suggestive. »
Filmés en 2006 au Teatro Malibran, les chanteurs de cette production vénitienne méritent, pour certains, d'être mieux connus : Claron McFadden incarne Didone avec beaucoup de concentration et un chant fiable, Antonio Lozano défend Anchise par de beaux récitatifs et Eolo avec puissance, Jordi Domènech (Iarba) possède un alto profond, Magnus Staveland (Enea) prend doucement de l'assurance, etc. Sans aucun registre faible, Marina De Liso (Ecuba, etc.) apparaît comme notre préférée, tant elle possède de présence, d'assurance et d'expressivité. La musique, qui met en lumière les conflits entre les personnages, est défendue par les talentueux Fabio Biondi et ses musiciens d'Europa Galante. Malgré tous ces atouts, on a du mal à se passionner, peut-être à cause d'une mise en scène irréprochable mais si dépouillée qu'elle en devient trop lisse.
LB