Chroniques

par laurent bergnach

Francesco Cavalli
Ercole amante | Hercule amoureux

2 DVD Opus Arte (2010)
OA 1020 D
Ercole amante, opéra de Cavalli

« C'est un pauvre poème que celui de l'Ercole amante, assure le gluckiste Henri Prunières au début du XXe siècle, dans un ouvrage dédié à l'opéra italien en France avant Lulli (1913). Buti en vieillissant a perdu ses qualités d'invention dramatique ; son imagination n'a plus les audaces heureuses qu'elle se permettait dans l'Orfeo. On ne peut rien concevoir de plus plat et de plus niaisement compliqué que l'intrigue d'Ercole. » De cet ouvrage commandé à Pier Francesco Cavalli le jour des noces de Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche à Saint-Jean de Luz (9 juin 1660), représenté ensuite dans la grande salle des Machines des Tuileries (du 7 février au 6 mai 1662), on peut dire beaucoup, mais pas mettre en doute sa simplicité narrative.

Qu'on en juge. Comme il a tué le père de Dejanira pour épouser celle-ci, Ercole a tué ensuite Eutyro pour épouser sa fille Jole. Mais Jole connaît un amour partagé avec Hyllo, le propre enfant d'Ercole. Habitué à vaincre des monstres, le héros ne laisse personne entraver son désir : il répudie sa femme et exile son fils. Croyant le retenir avec un sortilège amoureux, Dejanira fait parvenir à Ercole une tunique d'apparat enduite en fait d'un poison fatal. Pour être honnête, il faut également parler des personnages secondaires de l'opéra – les Fleuves du Prologue, Licco embobinant le Page, Giunone délogeant de sa grotte il Sonno (Le Sommeil), etc. – mais alors, où est la platitude ?

Complexe plutôt que compliqué, Ercole amante est monté au Het Musiektheater Amsterdam (janvier 2009) avec une démesure profondément baroque, empreint de drôlerie et de poésie plutôt que de kitsch et de vulgarité. David Alden ne rechigne pas aux clins d'œil à l'Histoire, en faisant apparaître Mazarin – mort avant les représentations liées au mariage qui mit fin à vingt ans de guerre contre l'Espagne – ou Louis XIV dans tout le ridicule de la pompe. Son sens du détail apparaît, par exemple, dans sa façon de différencier chacune des Ombres du quatrième acte. La direction alerte d'Ivor Bolton respecte l'esprit opera buffa et cisèle les ballets ajoutés par Lully.

Solide et expressif, Luca Pisaroni sait rendre fat ce héros tyrannique et infidèle, dont les Ombres témoignent aussi de la lâcheté. Veronica Cangemi (Jole) s'épanouit lentement, mais ses consœurs charment d'emblée : Anna Bonitatibus (Giunone) avec un chant fiable, sombre et droit ; Anna Maria Panzarella (Dejanira), investie comme toujours et qui gagne en grave ; ainsi que Johannette Zomer (Cinthia / Pasithea), soprano d'une belle présence, agile et souple. Citons encore Jeremy Ovenden (Hyllo), ténor lumineux et nuancé ; Tim Mead (Paggio) à la couleur timbrique chaleureuse ; Marlin Miller (Licca) plein de relief ; ou encore Umberto Chiummo (Nettuno / Eutyro), de force et de douceur.

LB