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Chroniques
Francesco Filidei
œuvres pour ensemble
Francesco Filidei vient au monde dans une cité antique, au cœur des années de plomb (Pise, 1973). Garçon timide, son enfance se déroule entre le piano et l’église où il sert d’abord comme enfant de chœur avant d’accompagner les offices à l’orgue. La découverte d’inventeurs fascinants (Cage, Sciarrino, Bussotti, etc.), dès l’âge de quinze ans, le sensibilise à la nécessité d’écrire à son tour, dans une première approche physique et sensuelle (caresser, frotter, frapper, etc.). Pour lui qui n’opère aucune distinction entre la musique et l’existence, la première est un moyen unique de percevoir la seconde, de s’interroger sur la mort. Il détaillait cette introspection à Catherine Peillon, éditrice de L’empreinte digitale, en avril 2014 :
« J’ai toujours eu un intérêt pour la forme close, forme fermée, qui coupe le temps d’un côté et de l’autre et qui permet de regarder à l’endroit de cette coupure : élargir, agrandir, et aussi d’opérer cette expérience en vase clos. J’écoute la pièce, je sens qu’elle naît, je sens qu’elle vit, je sens qu’elle meurt et je la rapporte à ma propre vie, j’essaie de comprendre un peu mieux ma vie, grâce à cette image » (in Francesco Filidei – Dans la peau du son, À la ligne, 2015).
Cet enregistrement comprend une pièce longue et deux courtes, les plus anciennes. Donné en première mondiale par Next Mushroom Promotion, Concertino d’Autunno (Takefu, 2007) « fonctionne comme une vaste machine respiratoire au sein de laquelle transitent des phrases musicales du troisième concerto des Quatre saisons de Vivaldi » (notice de Lauren Sadey). Si le mouvement central favorise le souffle et l’effleurement, les deux autres, notés Allegro, saboulent le calme à l’aide de sifflets et d’appeaux, de tapotages et de gratouillis. Éric Crambes (violon), Jean-Philippe Grometto (flûte à bec) se joignent à cinq instrumentistes de l’Ensemble 2e2m, sous la direction de Pierre Roullier.
Créé par l’Ensemble Cairn, Puccini alla caccia (Paris, 2008) imagine l’auteur de La fanciulla del West (1910) dans son passe-temps favori : la chasse – « l’instrument que j’aime le plus après le piano, c’est le fusil », disait-il. Dans cette page de sept minutes qui s’achève par une citation d’Un bel dì, vedremo (Madama Butterfly, 1904), huit joueurs d’appeaux promènent l’auditeur entre vie sauvage (biche, coucou, etc.) et vie domestique (chèvre, vache, canard, etc.), telle une déambulation du compositeur dans la nature, l’oreille peut-être saisie par l’épiphanie de l’inspiration. La pièce est dédiée à Gérard Pesson.
Quant à lui, L’Opera (forse) doit sa création à l’Ensemble ad Hoc (Monaco, 2009). Il s’agit de huit sketches en un acte, d’après un texte de Pierre Senges, écrivain au passé de musicien qui se fait narrateur pour l’occasion. On y suit l’histoire d’amour entre Battibecco, une gelinotte huppée mâle, avec Abboccata, un mulet à grosse tête femelle, qu’on annonce d’emblée comme triste et déchirante. Filidei se charge d’intercaler ses notes pour six musiciens entre les différents épisodes, faisant entendre la corneille de l’Ouverture, les émois distincts de l’oiseau et du poisson avant leur danse nuptiale, puis l’arrivée du pêcheur et du chasseur. Texte et musique, tout cela est drôle d’un bout à l’autre, jusqu’au Lacrimosa final, faisant souvent penser à l’univers d’Aperghis.
LB