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Chroniques
Francis Poulenc
Dialogue des carmélites
À nouveau, TDK publie une rareté. Après Jenufa [lire notre critique du DVD], voici, capté durant le mois de février 2004 dans le théâtre milanais de la Scala qui l’avait d'ailleurs créé le 26 janvier 1957 (en langue italienne), le superbe Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc, mis en scène de Robert Carsen. Le compositeur tira son œuvre la plus vaste de la pièce éponyme que Georges Bernanos avait imaginée à partir de La dernière à l'échafaud, un roman de Gertrude von Le Fort, racontant un événement historique : l'exécution des Carmélites de Compiègne sous la Terreur, et d'une jeune novice, Blanche de La Force, entrée au carmel pour combattre son angoisse. Elle finira par monter d'elle même à l'échafaud où elle rejoint ses compagnes.
Comme toujours, le metteur en scène travaille sur un plateau extrêmement dépouillé, avec quelques accessoires (fauteuil, lit, bancs, etc.), misant sur l'efficacité des éclairages et de la direction d'acteurs. Il utilise également un grand nombre de figurants ayant une fonction symbolique forte. Un peuple sombre et figé entoure la première scène, montrant la menace de la Révolution Française à laquelle le Marquis ne croit pas. De même la mort de la Prieure s'accomplit-elle au milieu des religieuses entourant le lit les bras en croix. Lors des adieux du Chevalier de la Force à sa sœur, les carmélites forment un mur de visages voilés qui les sépare. Les éclairages renforcent le côté oppressant de cette œuvre. La direction d'acteurs est d'une grande précision, donnant un côté cinématographique à cette production ; seul le balancement des bras des condamnées lors de l'exécution finale est un peu étrange.
Christopher Robertson, voix bien timbrée et articulation précise, est un Marquis autoritaire, mais au fond compréhensif, tout comme la Mère Marie de Barbara Dever, rigide mais montrant une certaine sympathie envers autrui. Vocalement ample, on ne comprend pas toujours son texte, contrairement à Anja Silja, dont la voix n'est pas trop abîmée et qui est à l'aise dans le rôle, sévère mais s'attachant à Blanche ; elle livre une mort terrifiante. Gordon Gietz, par une belle voix de ténor, est un Chevalier impétueux et protecteur. La Madame Lidoine de Gwyne Geyer, un peu instable vocalement, est avenante et digne, tandis que Laura Aikin donne une Constance à la fois gaie et contemplative, par un soprano un peu piquant.
Noble, belle, au regard profond, Dagmar Schellenberger est prometteuse en Blanche, même s'il lui faudra approfondir la fragilité du personnage. En l'écoutant, on songe davantage à Verdi ou à Puccini, tant sa voix est large, ronde et chaleureuse. Sur le plan de la diction, elle devra perfectionner ses efforts. Le Chœur de la Scala sonne un peu fatigué, contrairement à son Orchestre, richement coloré et dirigé avec précision et conviction par Riccardo Muti qui participe de l'action.
SC