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Chroniques
Franco Donatoni
œuvres pour orchestre
Venu à la musique par l’apprentissage du violon, à l’âge de sept ans, Franco Donatoni (1927-2000) étudie dans diverses institutions, lycée musical (Vérone) et conservatoires (Milan, Bologne), jusqu’à sa rencontre romaine avec Goffredo Petrassi qui l’encourage à suivre une carrière de compositeur. De son côté, Bruno Maderna l’initie à certains aînés incontournables (Mahler, Schönberg, Webern) et lui conseille de suivre des cours à Darmstadt. Dès 1953, et pour une quarantaine d’années, Donatoni enseigne à son tour à des jeunes artistes aussi variés que Dusapin, Romitelli, Castagnoli, Lindberg, Verrando ou Solbiati [lire notre critique du CD].
Côté composition, sa maturité s’affirme plutôt tardivement. Plusieurs époques se succèdent au sortir du néo-classicisme initial, marqué par Bartók et Petrassi. Viennent ensuite les périodes sérielle puis, à la fin des années soixante, aléatoire – Donatoni parle, quant à lui, d’indéterminisme. Pas à pas, il désacralise l’acte créateur et, au milieu de la décennie suivante, instaure la notion d’« exercice ludique de l’invention ». La vocalité et le rythme vont alors prendre une place plus importante, menant à des œuvres scéniques telles Atem (1984) et Alfred, Alfred (1995).
Donné au Suntory Foundation for Arts’ Summer Festival 2012 (Tokyo), ce brillant concert de l’Orchestre Philharmonique de Tokyo célèbre les œuvres des années quatre-vingt dix, à l’exception de Duo pour Bruno (Cologne, 1975). Conçu dans une grande souffrance psychologique, le chef-d’œuvre donatonien de cette époque débute pourtant sereinement (ou est-ce de l’abattement ?), avec une tournerie de cristal qui concentre et stabilise un orchestre divisé en deux, avant que les cloches n’imposent leur funèbre présence – Maderna s'incline devant le cancer, le 13 novembre 1973.
Dans la lignée d’In Cauda (Venise, 1983), sorte de requiem profane pour chœur et orchestre, Donatoni livre In Cauda II et In Cauda III, créés respectivement à Stuttgart et Valladolid, en 1996. L’un comme l’autre avance dans une énergie souvent sensuelle qui apprécie le martellement mais aussi une certaine délicatesse. Hommage à l’élève et ami Salonen, Esa (in Cauda V) (Los Angeles, 2001) vient clore ce cycle assez joyeusement.
Élève lui aussi de Donatoni, le chef et compositeur Yoichi Sugiyama a reconstruit pas à pas la partition de Prom (1999) que la BBC attendait, mais que personne n’arrivait à lire – son auteur est alors sans doute hospitalisé, pour des problèmes sévères de diabète ou de dépression. « Sur la partition, écrit le Japonais, je crois avoir vu ce que Donatoni avait voulu écrire à tout prix, à l’intérieur d’un ascenseur qui tombait dans le gouffre ». En une douzaine de minutes, l’œuvre convoque mystère, décharges et fulgurances.
LB