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Chroniques
Franz Schubert
Lieder – transcriptions (Liszt)
Belle habitude que celle de Liszt de transcrire pour piano de nombreuses œuvres, qu'il s'agisse de Lieder, comme c'est ici le cas, de pages symphoniques (Beethoven, Berlioz, Wagner, Liszt lui-même…), d'airs d'opéra (nombreuses Paraphrases), etc. Ce bel album publié par Zig-Zag Territoires présente en son premier disque quelques-uns des Lieder les plus célèbres de Schubert. Très délicatement et intelligemment accompagnée par l'excellent pianiste Maciej Pikulski, équilibrant par un soin remarquable voix et cordes, le mezzo-soprano Élodie Méchain ouvre le programme avec une Junge Nonne retenue, discrètement expressive. Moins convaincante dans Gretchen am Spinnrade, peut-être un peu lente, d'ailleurs, elle s'avère judicieusement sinueuse dans Auf dem Wasser zu singen ; toutefois, il est regrettable que son grave ne sonne pas plus. Après un dramatique, voire opératique, Rastlose Liebe dont la ligne de chant n'est pas toujours parfaitement gérée, sa participation s'achève par une sémillante Truite, tout à fait satisfaisante.
Suivent sept Lieder chantés par Lionel Peintre. Le baryton n'y est pas toujours à son avantage. Les aigus sont parfois incertains, la couleur n'a pas d'égalité, les graves demeurent souvent sourds, et l'expressivité quelquefois outrée. Après une seconde strophe quasiment larmoyante, son Aufenthalt s'achève dans une approximation malmenant dangereusement les intervalles. Plus justement contenu se montre Die Stadt, avec une partie centrale fort inquiétante, où chanteur et pianiste savent imposer un climat ténébreux ; mais les derniers vers tombent à plat, maladroitement proclamés. Des quatre extraits de Die schöne Müllerin, Die böse Farbe est assez inégal et surjoue la plupart des traits, tandis que Der Jäger et Wohin ? sont sans conteste les deux plus belles prises de cette partie du disque. La douceur triste de Der Müller und der Bach est admirable, troublante, bien que la hauteur accuse là encore quelques fragilités – en tout cas, l'émotion est bien là. Ce petit récital se clôt par Erlkönig dans lequel Lionel Peintre peut laisser prendre toute sa mesure à son naturel théâtral, affirmant des grandes qualités de conteur.
Le second disque présente les mêmes treize Lieder précédemment entendus, mais cette fois dans leur transcription pour piano seul, effectuées par Liszt dans les années 1830-40. Et dès l'abord, avec une Gretchen am Spinnrade presque infernale, on est saisi par l'expressivité, le phrasé, la souplesse et la cohérence des interprétations de Maciej Pikulski. Outre qu'il n'hésite jamais à souligner tout le pianisme de ces pages, le musicien ne manque pas de chanter, ce qui crée un déroutant phénomène de transcendance poétique par l'absence factuelle du texte, et non content de réussir magnifiquement le dialogue avec lui-même, y développe des couleurs proprement orchestrales. Ainsi, Erlkönig devient ici plus noir encore que dans la version originale, Aufenthalt tragique et, tandis qu'à l'élégance limpide de Forelle répondent la tempête intérieure d'une Jeune nonne tout simplement bouleversante et la virtuosité un rien frivole du Rastlose Liebe, la nudité glacée du Die Stadt laisse songeur…
BB