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Chroniques
Franz Schubert
Winterreise D911
« Venez chez Schober aujourd'hui, et je vous chante un cycle de chansons qui donnent le frisson. Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez. Aucune de mes chansons ne m'a affecté autant. » Cette invitation à écouter Winterreise au début de l'année 1827, c'est Josef von Spaun qui nous la rapporte, venant d'un Schubert (1797-1828) dont l'humeur devenait plus sombre au fil de la composition. Le musicien interprète le cycle entier à l'issue duquel il découvre le peu d'enthousiasme d'invités décrits comme « interloqués », et conclut : « Ces chansons me plaisent plus que toutes les autres, et le jour viendra où elles plairont à vous aussi ». Concernant les méprises tenaces sur Schubert et l'appréciation de sa musique, rappelons-nous d'Alban Berg, une centaine d'année plus tard, confiant la douleur ressenti lorsque « son nom est cité conjointement à celui de Johann Strauss ».
Ici, pas de rédemption amoureuse, pas de refuge dans la mort puisque la souffrance du héros est infinie, immuable à l'image des tout premiers mots (Fremd bin ich eingezogen / Fremd zieh' ich wieder aus), faisant immanquablement écho à un créateur ravagé par la syphilis qui, dès 1824, écrivait : « Si maintenant je chante chaque jour : "Le repos m'a fui, mon cœur est lourd, plus jamais je ne retrouvai la paix", c'est à juste titre – car chaque nuit, quand je vais me coucher, j'espère ne plus jamais me réveiller […] ».
Habitué aux rôles mozartiens (Almaviva, Belmonte, Ferrando, Ottavio, Tamino, etc.) et à quelques autres du XXe siècle (Le Peintre chez Berg, Tom Rakewell chez Stravinsky, etc.), l'Australien Steve Davislim s'offre aujourd'hui un détour romantique. Le ténor use d'une voix onctueuse et enveloppante avec beaucoup de délicatesse et de tenue. La hargne est bridée (Die Wetterfahne, Rückblick), parfois même jusqu'à la suspension (Der Lindenbaum, Rast), servant un climat général de recueillement et de résignation – même si certains Lieder, commencés sur le souffle, s'achèvent avec mordant, à l'instar de Die Krähe. Signalons pour terminer que Davislim, accompagné par l'excellent Anthony Romaniuk, vient également d'enregistrer un disque consacré aux Folksongs de Britten (Melba Recordings MR 301120).
LB