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Chroniques
Franz Schubert
Winterreise D.911
Aigu chaleureux et amené sans complication, le jeune baryton britannique Benjamin Hewat-Craw possède un timbre plutôt bien venu dans le répertoire schubertien. Avec une belle couleur, il dispose d’un matériel vocal intéressant qu’il met au service d’une expressivité ne faisant pas l’ombre d’un doute. Les nuances contrastées, dans les attaques comme au sein d’une même phrase, avantagent son interprétation du Voyage d’hiver.
Mais on est nettement moins convaincu par une diction peut-être un peu molle et, surtout, par un grave manquant de stabilité, voire de corps. Dans les Lieder de Schubert, il en faut, du grave, aussi bien pour les faire sonner eux-mêmes qu’afin que le médium gagne en plénitude. Le choix de cette musique ne donne guère la mesure des moyens de l’artiste – moyens qui évolueront, bien sûr : on ne s’étonnerait pas qu’un jour ses graves se révèlent, et même, on le lui souhaite. À ce chapitre, Gefrorne Tränen ou Wasserflut illustrent avec évidence le problème. Par ailleurs, Benjamin Hewat-Craw ne manque pas de musicalité, loin s’en faut ! La vraie bonne idée pourrait être de l’exercer dans la mélodie française, par exemple, qui profitera de la lumière particulière d’une voix attachante. Quant à l’opéra, c’est dans les rôles de barytons légers qu’on espère l’entendre un jour – un Pelléas à venir ?...
De manière irrépressible, c’est à l’écoute du pianiste que cèdent les oreilles. Dans une sonorité discrète, Yuhao Guo cisèle avec délicatesse et sensibilité chaque étape du voyage mélancolique de Wilhelm Müller. On apprécie une pédalisation parfaitement dosée qui n’a pas peur du silence. Ainsi se fait-il narrateur, lui aussi, avec autant de légitimité que le chanteur – son rendu d’Auf dem Flusse, d’Irrlicht, d’Einsamkeit et de Letzte Hoffnung livre des échantillon probant de ce talent-là.
Entre ces jeunes musiciens, tous deux issus des classes du conservatoire de Cologne (Hochschule für Musik und Tanz Köln), la rencontre s’opère dans de nombreuses pages du cycle, comme Rast, Die Krähe, Im Dorfe, Der Wegweiser, etc. Depuis quelques temps, ils forment un duo qui commençait de sillonner l’Allemagne et l’Angleterre lorsque la pandémie de Covid-19 est arrivée. La reprise de la vie culturelle de par le monde leur permettra d’affermir et d’approfondir cette collaboration positive.
HK