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Chroniques
Franz Schubert
Sonate pour piano D959 – Lieder
Voici un très bel enregistrement de la Sonate pour piano en la majeur D959 par le pianiste norvégien Leif Ove Andsnes ; on y sent toute l'influence de Beethoven sur Schubert. Dans le Finale, en particulier, la structurerondo de sonate, la fragmentation du thème lui doivent beaucoup. Mais s'il y a inspiration, il n'y a pas copie : dans son œuvre pianistique, l'aîné fait preuve de concision et de fantaisie quand le cadet joue du lyrisme et de l'inquiétude. Il y a dans cette Sonate des modulations harmoniques colorées et sensuelles qui n'appartiennent qu'à son auteur.
Le pianiste a voulu attendre de jouer Haydn et Beethoven avant d'aborder Schubert. Pour le pianiste, ce compositeur semble être un somnambule entraînant l'auditeur « dans des coins qui vous paraissaient jusque-là inaccessibles », mais sans chercher toujours à atteindre un but, à la différence de Beethoven. On appréciera l'évolution flagrante de l'interprétation d'aujourd'hui en comparaison avec celle qu’Andsnes donnait il y a deux ans à La Roque d'Anthéron, peut-être plus d'une seule pièce, comme un bloc. Aujourd'hui, il soigne avec minutie chaque frappe, suivant parfaitement toutes les indications de la partition. Son piano est extrêmement travaillé, si bien qu'il parvient à en tirer des sons proches du pianoforte. La retenu est tragique, comme il se doit. Jusqu'à la frustration occasionnée par la rupture de l'exaltation de la montée de l'andantino par une modulation et un changement de tempo qui est au rendez-vous. Schubert pouvait tout au plus commencer à penser à exulter, mais c'est tout, et Leif Ove Andsnes l'a génialement compris. Le scherzo allegro vivace qui clôt l'œuvre possède ici une sonorité toute classique, pas éloignée de Scarlatti et Mozart. Nous ne sommes en effet qu'en 1828... C'est une très bonne version qui parait sous ce label.
Quatre Lieder complètent le disque : Pilgerweise (Schober - 1823), Der Unglückliche (Pichler - 1821), Auf dem Strom (Rellstab - 1828) et Die Sterne (Leitner - 1828). Le pianiste accompagne le ténorIan Bostridge dans ces chansons profondément romantiques (Versenke dich in deines Kummers Tiefen… / Immerge-toi dans les profondeurs de ta peine…). L'alliage savant qu'opère Schubert dans ces Lieder, entre une déprime narcissique toute romantique et le respect scrupuleux des règles du classicisme est assez bien rendu par les artistes. Ce disque peut se faire honorablement l'écho de la tournée qu'ils ont entreprise à travers les salles de concert ici et là d'un Winterreise désolé. Les deux derniers Lieder, écrits l'année de la mort du compositeur, constituent un adieu au monde stoïque, qui montre bien que si leur auteur sut annoncer Chopin dans l'utilisation de certains procédés, il se préserva de pathos.
HK