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Chroniques
Franz von Suppé
Requiem
Francesco Ezechiele Ermennegildo Cavaliere von Suppé Demelli (!), de son vrai nom, est né en 1819 dans une famille d'origine belgo-autrichienne. L'enfant grandit à Split, au bord de l'Adriatique, avant que la mère devenue veuve en 1835 s'installe définitivement à Vienne. L'adolescent peut alors s'abandonner à sa passion de toujours pour la musique, penchant contrarié jusque là par un père qui lui imposa des études de droits. Les œuvres de Rossini, Donizetti ou Verdi qu'il entend lors d'escapades à la Scala ne sont sans doute pas étrangères à sa propre composition de musique légère, et plus encore celles d'Offenbach, son strict contemporain dont il s'inspirera souvent.
Dès 1841, devenu troisième chef du Théâtre Josefstadt de Vienne, il donne ses premières œuvres, mais c'est en 1860 qu'il rencontre son premier grand succès avec l'opérette Das Pensionnat. De 1845 à sa mort, en 1891, Suppé écrit un nombre considérable d'opéras, d'opérettes, de vaudevilles, d'ouvertures, etc. Plus confidentiels, au regard de ce flot de musique sans surprises, citons trois messes et un Requiem.
Achevé en août 1855, créé le 22 novembre, le Requiem, dédié à la mémoire de Franz Pokorny – le directeur du théâtre An der Wien qui l'engagea jadis comme chanteur et chef d'orchestre –, parait donc comme une rareté dans un paysage créatif principalement construit de musique légère. Suppé s'y projette respectueux du texte liturgique : Requiem, Kyrie... jusqu'au Libera me. Le chœur pour quatre voix prédomine dans cette messe des morts à l'écriture orchestrale irréprochable (rappelons que les solides Simon Sechter et Ignaz von Seyfried comptèrent parmi ses professeurs). Le chœur, tour à tour éclatant et chuchotant, cultive une ambiance dramatique chère à l'homme de théâtre qu'est Suppé.
L'œuvre reste conventionnelle, bramant de hauts et forts accents romantiques. Elle a rencontré le succès auprès du public, en son temps, mais aussi la critique ne fut guère tendre avec son complaisant sentimentalisme de pacotille. D'un caractère religieux plus bourgeois que sacré, elle affiche un style italianisant tentant sans grand talent d'utiliser des procédés de Verdi mais aussi de Berlioz, ici dépouillés d'une profondeur qui en édifiait la grandeur à autre chose que des effets de masse chorale, de grands cris de cuivres ou un ploum-ploum des timbaliers. Peu à peu disparu des programmes de concerts, le Requiem de Suppé est exhumé par le dynamique Michel Corboz qui en offre sur ce disque une exécution dramatique plutôt tonique (notamment pour le Dies irae), à la tête du Chœur et de l'Orchestre de la Fondation Calouste Gulbenkian de Lisbonne. Parmi les solistes, nous pouvons apprécier la basse lyrique à souhait de Luis Rodrigues, Elizabeta Matos (soprano), Aquiles Machado (ténor), et avant tout l'excellente contralto au timbre merveilleusement coloré Mirjam Kalin.
HK