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Chroniques
Gaetano Donizetti
Linda di Chamounix | Linda de Chamonix
Compositeur charnière entre Rossini et Verdi, Gaetano Donizetti (1797-1848) n'a pas vingt ans lorsqu'il écrit sa première œuvre lyrique – suivie, le temps d'une carrière faite de hauts et de bas, par quelques soixante-dix autres. Malgré sa réputation de musicien fécond, pour ne pas dire facile, rappelons que certaines furent marquantes pour le développement de l'opéra italien, et continuent de réjouir public et directeurs de salles. Linda di Chamounix est un de ses succès. Fruit de la maturité, elle fut commandée en 1841 par son premier librettiste Bartolomeo Merelli, ancien pilier de la Scala devenu intendant du Kärntnertortheater de Vienne. En effet, après avoir donné toute l'année des opéras en allemand, ce théâtre mettait à l'affiche, entre avril et juin, des ouvrages avec des chanteurs italiens.
Enchanté de conquérir une nouvelle ville après Paris et Milan, Donizetti s'empare du livret de Gaetano Rossi et passe six semaines à rédiger la partition. Soucieux de ne pas gâcher une telle opportunité, il consacre près de deux mois aux répétitions individuelles, et remanie largement l'ouvrage jusqu'au jour de la création (19 mai 1842), réduisant la longueur des récitatifs ou développant l'ouverture grâce à des réminiscences d'un quatuor à cordes oublié, pour mieux plaire au goût viennois. Pour la création parisienne (17 novembre), Donizetti ajoute un air à l'attention de Fanny Tacchinardi – déjà créatrice de Lucia di Lammermoor – et étoffe certains rôles. C'est cette version définitive qui partira à la conquête des théâtres italiens.
Pour les représentations zurichoises, en septembre 1996, Daniel Schmid transforme une histoire à l'eau de rose – une jeune fille dont on cherche à protéger la vertu, qui se croit abandonnée par l'homme qu'elle aime, victime d'une folie passagère, etc. – en une image de carte postale, idyllique et ironique, lui prêtant ainsi une touche de modernité. Entre l'innocence paysanne et la débauche associée au Paris de Louis XV, le contraste est saisissant. La direction d'acteur étant soignée, on s'intéresse vite aux personnages, d'autant que l'humour n'est pas absent. Linda est en effet un ouvrage semi-serio, comptant un rôle buffo : le Marquis de Boisfleury, libertin à la crapulerie adoucie pour ne pas choquer l'aristocratie, qu'incarne Jacob Will, vaillant et attachant. Alors que l'on se prend au jeu, dommage que les coquilles du sous-titre déconcentrent parfois…
Familière de Donizetti depuis qu'elle approfondit le bel canto romantique, la Slovaque Edita Gruberová maîtrise sans peine ce rôle colorature. Acclamée dès la fin d'un premier air redoutable pour une entrée en scène, la « reine des bergers et des paysans » possède une clarté et une souplesse remarquables. Ses compagnons ne déçoivent pas : Deon van der Walt (Carlo) jouit d'une voix saine et nuancée ; Cornelia Kallisch (Pierotto) est un contralto charnel et expressif ; Armando Ariostini (Antonio, le père) s'exprime avec évidence ; Laszló Polgár (il Prefetto) reste une basse solide, idéalement distribuée. À la tête de l'Orchester der Oper Zürich, Adam Fischer décide d'une lecture sans guimauve, délicate et élégante, qui se tonifie sur les scènes de chœur ou celle du Marquis, plus enlevées.
LB