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Gaetano Donizetti – Giovanni Simone Mayr
Pigmalione | Pygmalion – Che originali ! | Quels originaux !
Né en Bavière sous le prénom de Johan Simon, Giovanni Simone Mayr (1763-1845) fait partie de ces compositeurs rejetés dans l’ombre par l’ascension rapide de Rossini, lui et ses soixante-dix opéras dont le plus connu demeure Medea in Corinto (1813) [lire nos critiques du DVD, ainsi que des CD Ginevra di Scozia et La Lodoiska]. Moins de cinq ans après sa première tentative dans le domaine lyrique (Saffo, ossia I riti d'Apollo Leucadio, 1794), ce fils d’organiste bientôt enraciné à Bergame conçoit Che originali !, une farce en un acte aux nombreux surnoms (Il trionfo della musica, Il pazzo per la musica, etc.). Le livret de Gaetano Rossi s’inspire d’une pièce française de Nicolas-Médard Audinot, La musicomanie, présentée en 1779 à l’Ambigu comique (Paris). L’ouvrage de Mayr est donné au Teatro San Benedetto (Venise), le 18 octobre 1798.
Dans sa maison aux vingt clavecins, le baron Febeo ne veut entendre parler que de musique, des noms illustres lui venant aux lèvres toutes les dix minutes (Pergolesi, Jomelli, Haydn, Clementi, Mozart, Pleyel…). Il compose à tout-va, sûr de lui, et forcément vexé que son rondeau inspiré par Don Quichotte soit sifflé à l’Académie. Febeo a deux filles : Rosina, dépressive autant qu’hypocondriaque, et Aristea, passionnée par les vers de Métastase, ainsi que par la cour entreprise par le comte Carolino. Or, contrairement à cette tête-en-l’air de Carluccio engagé sur le champ/chant, le chevalier n’est ni musicien ni poète ; Febeo lui refuse sa fille. Dès lors, le jeune homme multiplie approches et déguisements pour parvenir à ses fins, aidé par les domestiques Biscroma, soucieux de récompense financière et de fidélité conjugale, et Celestina, sa promise.
Passons sur la mise en scène juste sympathique de Roberto Catalano pour évoquer des chanteurs vêtus avec une fantaisie d’un mauvais goût assumé (Ilaria Ariemme). Aux côtés de Bruno de Simone à sa place en aîné (Febeo), deux couples se distinguent avec brio : celui des amoureux incarné par Chiara Amarù (Aristea), mezzo-soprano alliant la nuance à l’onctuosité, et Leonardo Cortellazzi (Carolino), aussi stable qu’attachant ; celui des domestiques, magnifié par la vaillance d’Omar Montanari (Biscroma) et la sûreté de Gioia Crepaldi (Celestina). Si Pietro Di Bianco (Carluccio) impressionne d’emblée, Angela Nisi (Rosina) devra quitter la mollesse avachie de son personnage pour que puissent s’apprécier des aigus solides, au service d’une certaine virtuosité.
L’opéra du XIXe siècle est un monde de rude compétition où le jeune Gaetano Donizetti (1797-1848) profite du soutien de Mayr, son professeur, alors maître de chapelle à Bergame. C’est lui qui l’envoie à Bologne, en 1815, parfaire sa formation auprès du père Stanislao Mattei. Il n’a pas vingt ans quand, pour se reposer de pièces religieuses au style strict, Donizetti écrit Il Pigmalione, du 15 septembre au 1er octobre 1816, sorte de grande cantate aux accents rossiniens où le rôle-titre, en proie à une solitude extrême, sent l’enfer envahir son cœur et son âme. S’inspirer de la prose d’Ovide n’est pas nouveau si l’on songe à Rameau, au siècle précédent [lire notre critique du CD], et à bien d’autres – le livret de Simeone Antonio Sografi, ici remanié, fut déjà utilisé par Cimado (1790) et Bonifazio (1796).
Par un procédé ingénieux, Antonino Siragusa (Pigmalione) avait déjà signalé sa présence durant Che originali !, manière de relier deux ouvrages qui n’ont rien en commun, hors leur programmation au festival Donizetti Opera en 2017. Dans un huis-clos de chambre contemporaine qui rappelle quelque production de La voix humaine [lire notre chronique du 27 janvier 2016], le ténor chante sa douleur, ses espoirs, avec éclat et nuance – les tensions s’estompent vite. Aya Wakizono (Galatea) attend, tremble, puis marche… Chante-t-elle aussi ? Suspense ! Enfin, on apprécie la double lecture de Gianluca Capuano, source de climats contrastés, à la tête de l’Orchestra dell’Accademia Teatro alla Scala.
LB