Chroniques

par laurent bergnach

Gaetano Donizetti
Don Pasquale

1 DVD Arthaus Musik (2010)
107 207
Don Pasquale au Teatro alla Scala, en 1994, dirigé par Riccardo Muti

Quelques années après avoir présenté la tragédie lyrique Marino Faliero (1835) en création mondiale, le Théâtre Italien commande un opéra bouffe à Gaetano Donizetti, au début d’octobre 1842. Le compositeur approche la cinquantaine, a déjà livré près de soixante-dix ouvrages lyriques, mais sa capacité de travail demeure intacte : quelques jours lui suffisent à élaborer la ligne mélodique, quelques semaines pour l’orchestration. Face à ce rythme effréné, adaptant avec lui un livret d’Angelo Anelli conçu pour la comédie de Stafano Pavesi (Sei Marcantonio, 1810), le jeune Giovanni Ruffini se plaint d’être un poète devenu esclave. Les répétitions commencent fin novembre pour aboutir à une première parisienne triomphale, le 3 janvier 1843 – laquelle suit de quelques jours l’entrée de Donizetti à l’Académie des Beaux-arts de l’Institut de France.

Au fil des actes, présentée comme « une âme innocente [à la] modestie incomparable », Norina, la soi-disant sœur du rusé Malatesta, se révèle sous un jour nouveau, capricieuse, moqueuse et colérique, afin de mieux servir la morale de l’histoire : « Bien idiot est celui qui se marie en grand âge car il cherche avec grand bruit et à n’en plus finir la souffrance et les ennuis ». À l’époque, l’opéra bouffe est déjà passé de mode – et la mise en scène de Stefano Vizioli n’oublie pas ce chevauchement qui parie sur une Rome moderne matinée de bimbeloterie antique –, mais Donizetti rafraîchit la tradition et humanise les stéréotypes par des passages chantant la mélancolie et la désillusion. D’où ce ciel par-dessus les murs de la bibliothèque, d’allure romantique.

Des chanteurs d’exception répondent à une direction d’acteurs précise et animée, façon commedia dell’arte, que l’on découvre filmés au Teatro alla Scala, en 1994. Ferruccio Furlanetto (Pasquale da Corneto) s’avère une basse ferme, sonore et stable, tandis qu’on apprécie Lucio Gallo (Dottor Malatesta) pour sa santé et une souplesse qui autorisent des suraigus délicatement posés, et Gregory Kunde (Ernesto) pour sa vaillance, un timbre éclatant mais aussi sa nuance, lors de scènes d’effusion (Tornami a dir che m’ami) ou d’affliction (Sogno soave et casto). Quant à Nuccia Focile (Norina), son chant s’arrondit vite pour devenir évident, fluide et piquant.

« Riccardo Muti, rappelle Kenneth Chalmers dans la brochure accompagnant le DVD, avait pour principe le respect absolu de la partition, et cette exécution de Don Pasqualeest parfaitement fidèle à l’édition critique préparée par Piero Rattalino, sans que ce souci d’exactitude musicologique engendre la moindre raideur dans l’interprétation. » Caractérisant à merveille les différents moments de l’ouverture, le maestro obtient de l’orchestre maison une vivacité allant parfois jusqu’à la cavalcade, mais non dépourvue de moelleux.

LB