Chroniques

par laurent bergnach

Gaetano Donizetti
Don Gregorio

2 DVD Dynamic (2008)
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Gaetano Donizetti | Don Gregorio

Compositeur prolifique, Donizetti (1797-1848) n’a pas vingt ans quand il entreprend le premier des quelques soixante-dix ouvrages lyriques qu’il livrerait à la postérité. Déjouant les projets paternels pour ses trois fils (la musique pour l’aîné Giuseppe, l’armée pour le cadet Francesco et le droit pour le « petit dernier »), Gaetano achève sa première formation musicale digne de ce nom auprès du Bavarois Mayr, créateur de La Lodoiska [lire notre critique du CD] et de Medea in Corinto [lire notre critique du DVD], devenu Italien d’adoption à la suite d’un voyage de perfectionnement qui s’éternisa. Maître de chapelle à Bergame, il forme de jeunes choristes parmi lesquels le prometteur Dozzinetti à qui, l’âge venu de la mue, il enseigne le clavecin, la composition et le contrepoint, ainsi que l’art de Mozart, Haydn et Beethoven. À Bologne où il affine sa connaissance du contrepoint auprès de Stanislao Mattei (dont Rossini avait été l’élève), Donizetti compose de la musique instrumentale et religieuse, ainsi qu’Il Pigmalione (1816), L’ira di Achille et L’Olympiade (1817) – non représentés à l’époque. C’est Enrico di Borgogna (1818), écrit pour le Teatro San Luca de Venise, qui marque ses véritables débuts.

Le 4 février 1824, le Teatro Valle de Rome s’enorgueillit de la création triomphale d’Ajo nell’imbarazzo, un opera buffa dont le livret signé Jacopo Ferreti s’inspire d’une comédie éponyme de Giovanni Giraud (1807). Don Gregorio est l’adaptation napolitaine de cet ouvrage, présentée le 11 juin 1826 au Teatro Nuovo. Andrea Leone Tottola, poète officiel des Théâtres Royaux de Naples, a remplacé les récitatifs traditionnels par des dialogues en prose et certains numéros sont ajoutés ou retranchés. Là encore, c’est le succès puisque, comme l’écrit le jeune musicien à son vieux maître : « Chaque morceau a été très applaudi et, à défaut d’argent, j’ai reçu beaucoup d’honneurs ».

Alors que tant de donzelles sont tenues sous clé dans les demeures familiales, ce sont ici deux jeunes marquis, Enrico et Pippetto Antiquati – privés même de spectacle de marionnettes ! –, que leur père protège d’un monde cruel et sensuel qui égare l’esprit des enfants. Or, l’aîné a depuis longtemps quitté l’adolescence et s’est marié en secret avec Gilda, fille du colonel Tellemani, qui lui a donné un fils. Déjà à couteaux tirés avec Leonarda, la domestique qui ne supporte pas les allusions à son âge (« laide peut-être mais vieille, non »), le précepteur Gregorio Cordebono se voit contraint de protéger le couple et d’annoncer la nouvelle au terrible patriarche... Enregistrée au début de novembre 2007 au Teatro Donizetti de Bergame, cette production ne manque pas de charme. Roberto Recchia prévoit juste ce qu’il faut de fantaisie pour pimenter une farce enracinée dans le réalisme, le principal élément humoristique restant le texte lui-même.

Côté distribution, le baryton Paolo Bordogna incarne le rôle-titre avec ampleur, rondeur et vaillance, mais il n’est pas le seul à exceller. Elizaveta Martirosyan (Gilda) livre un chant agile et coloré qui culmine dans l’air d’attendrissement final, Quel tuo sorriso, o padre. Habitué aux comédies telle La vedova scaltra [lire notre chronique du 25 avril 2004], Giorgio Trucco (Enrico) brille par sa nuance, même si le legato est un peu malmené parfois. Ténor lui aussi, Livio Scarpellini (Pipetto) appuie son côté trompetant pour mieux jouer au sale gosse. Giorgio Valerio (Giulio Antiquati) et Alessandra Fratelli (Leonarda) sont attachants. En fosse avec l’Orchestre du Bergamo Musica Festival, Stefano Montanari fait honneur à la limpidité d’une partition de jeunesse qui s’inspire du plus léger des Rossini. C’est rondement mené, et plein d’allant, dès la Sinfonia d’ouverture.

LB