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Chroniques
Gaetano Donizetti
Le convenienze ed inconvenienze teatrali
Moins de dix ans après Enrico di Borgogna (Venise, 1818) qui inaugure sa collaboration avec plusieurs théâtres italiens et parisiens, Gaetano Donizetti (1797-1848) remporte un premier succès durable avec l’opéra-bouffe L'ajo nell'imbarazzo (Rome, 1824) – adapté pour Naples sous le nom de Don Gregorio (1826) [lire notre critique du DVD]. Le 21 novembre 1827, au Teatro Nuovo (Naples), il présente Le convenienze teatrali, farce en un acte adaptée d’une célèbre comédie de la fin du siècle précédent, fruit d’Antonio Simone Sografi. Et puisque ce dernier a offert une suite à sa pièce, Le inconvenienze teatrali, c’est naturellement que le musicien va s’en saisir, au moment de refondre son travail. Ainsi nait Le convenienze ed inconvenienze teatrali (Convenances et inconvenances théâtrales), aussi appelé Viva la mamma, un dramma giocoso en deux actes créé au Teatro della Cannobiana (Milan), le 20 avril 1831.
À l’instar de Der Schauspieldirector (1786), le Singspiel de Mozart qui évoque les démêlés d’un impresario au moment des auditions, l’ouvrage met en scène les travers du monde lyrique. Ici se répète un opera seria, Romolo et Ersilia, dans la salle d’un hôtel, non loin d’un théâtre de Lodi – ville lombarde, à une trentaine de kilomètres au sud de Milan. Tandis que pérore Daria, prima donna capricieuse défendue par son mari Procolo, les autres membres de la troupe cherchent à se mettre en valeur, usant d’arguments variés pour faire plier librettiste et compositeur. Arrive alors Agata, la mère envahissante de Luigia – déjà deuxième chanteuse quand la première n’était que troisième, voire encore marchande de gâteaux, si l’on en croit la génitrice… –, qui met de l’huile sur le feu au point qu’arrivent les gendarmes à la demande d’un Directeur inquiet de l’avancée du travail. Moins conflictuelle, la deuxième partie offre une succession d’airs, entre audition, répétition ou démonstration (Mamma Agata massacre le fameux air du saule d’une Desdemona rossinienne, et Luigia donne un exemple de bel canto à son « bel étalon allemand »). Mais le spectacle ne peut se jouer sans certains artistes qui renoncent au projet : laissant le plateau nu pour le baisser de rideau, les autres s’enfuient donc à la faveur de la nuit, pour n’avoir pas à rembourser à l’impresario un cachet avancé.
Filmée à La Scala en octobre 2009, cette production échappe au huis clos attendu grâce à une belle idée d’Antonio Albanese : une sorte de plage habitée par des personnages aux costumes réalistes (Elisabeta Gabbioneta) mais aux comportements souvent excessifs. On s’amuse ici des formules de Domenico Gilardoni, librettiste qui, de son univers, brocarde les vantardises (« Ma fille, rien qu’en chantant, fait mûrir un pommier grenat, oui ! »), les compliments ambigus (« Bravo ! vous avez roucoulé comme un merle ») et les esprits embrouillés (« C’est Mozart, le Français ! »).
Orchestre, solistes et chœur de l’Académie du Teatro alla Scala, menés par Marco Guidarini, ne se ménagent pas pour réjouir le public. Le quatuor principal, notamment, séduit en réunissant Jessica Pratt (Daria), soprano virtuose et agile malgré quelques prudences, Simon Bailey (Procolo), basse claire et vaillante appréciée aussi dans l’opéra contemporain [lire notre critique du CD La métamorphose], Vincenzo Taormina (Agata), qui ne manque ni d’ampleur ni d’abattage dans son rôle travesti, et Aurora Tirotta (Luigia), autre soprano tout en souplesse et legato, à qui quelques minutes suffisent pour émouvoir (extrait du mélodrame Fausta, créé à Naples en 1832).
LB