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Chroniques
Gaetano Donizetti
Roberto Devereux ossia Il conte di Essex | Robert Devereux
Les règnes d’Henry : VIII (1509-1547) et de sa fille Elisabeth I (1558-1603) inspirent à Gaetano Donizetti (1797-1848) plus d’un ouvrage saluant la Renaissance anglaise, sans qu’il soit pourtant question de cycle : Elisabetta al castello di Kenilworth (Naples, 1829), Anna Bolena (Milan, 1830) [lire notre critique du DVD], Maria Stuarda (Milan, 1835) [lire notre chronique du 18 juin 2015] et, enfin, Roberto Devereux. Si les librettistes Totolla et Bardari puisent chez Hugo et Schiller, ce sont une pièce signée Jacques-François Ancelot, Élisabeth d'Angleterre (1829), et un texte de Felice Romani conçu pour Mercadante, Il conte d’Essex (1833), qui offrent à Salvatore Cammarano matière à une tragédie lyrique en trois actes créée au San Carlo de Naples, le 29 octobre 1837. Fort appréciée, cette histoire d’amours contrariées par la politique fait rapidement le tour du Vieux continent : Paris (1838), Milan (1839), Bruxelles (1840), Londres (1841), Vienne (1844), Saint-Pétersbourg (1849), etc.
Mariée de force au duc de Nottingham, Sara aime d’un amour partagé le meilleur ami de son époux, Roberto Devereux, deuxième comte d’Essex (1567-1601). De retour d’une expédition militaire conclue par une trêve avec les rebelles irlandais, ce dernier est accusé d’intelligence avec l’ennemi. La reine Elisabetta ne croit pas son favori coupable de trahison politique, mais plutôt amoureuse. Malgré le silence du comte à ce sujet, elle réaffirme son engagement : s’il se trouve un jour en danger, qu’il retourne à sa reine la bague qu’elle lui donna jadis, afin d’être sauvé. C’est cette bague, laissée à son domicile un jour d’adieux, que Sara portera à la reine pour empêcher, en vain, l’exécution de son amant. Désespérée, la dernière des Tudor abandonne le pouvoir à Jacques, fils de sa cousine.
Conçue en 2013 pour le Welsh National Opera de Cardiff (Opéra national du Pays de Galles), filmée en octobre 2015 au Teatro Real (Madrid), la mise en scène d’Alessandro Talevi vise une simplicité d’écrin qui permet l’éclat des émotions. Un unique pan vitré, lugubre et crasseux, symbolise la soumission de l’intime autant que la fin d’un règne au palais de Westminster. Cette transparence est aussi une mise en abîme du vivarium de l’Acte I où une araignée attend de dévorer sa proie – métaphore qu’on retrouve ensuite dans la robe et dans le trône arachnéens d’Elisabetta. Madeleine Boyd en réalise décors et costumes.
Quarante ans après ses débuts sur scène, Mariella Devia continue de défendre l’opéra de son pays, et Donizetti tout particulièrement. À consulter la liste de ses prestations au cours des cinq dernières années, on trouve en bonne place Maria Stuarda (Bergame, Rovigo, Florence, Vérone) [lire notre critique du DVD] et, déjà, Roberto Devereux (Marseille, Florence, New York, Genève) [lire notre chronique du 27 novembre 2011]. Si les premières minutes de la Ligurienne font craindre le pire à qui ne connaît pas le soprano colorature (vibrato envahissant, grave caverneux), des vocalises faciles et une belle palette d’actrice font vite sa conquête.
Portés eux aussi par la direction impeccable et minimaliste de Bruno Campanella à la tête de l’orchestre local, ses partenaires frisent le sans faute. On apprécie le ténor vaillant et nuancé à l’extrême de Gregory Kunde dans le rôle-titre, suave et onctueux [lire nos chroniques du 1er août 2015 et du 24 octobre 2014]. Face à lui, le baryton Marco Caria paraît plus rigide mais bien assuré. Le legato exquis de Silvia Tro Santafé fait merveille dans le bel canto, comme jadis dans l’univers baroque [lire nos critiques des CD Serse et Griselda, ainsi que du DVD Deidamia]. Enfin, on aime la brillance vive de Juan Antonio Sanabria (Cecil) et l’ampleur saine d’Andrea Mastroni [lire notre chronique du 6 août 2016].
LB