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Chroniques
Gaspare Spontini
Olimpie
Pendant la dernière décennie de la Restauration (1815-1830), les pièces de Voltaire (1694-1778) dominent la scène dramatique, avant même celles de Racine. Il suffit de consulter la saison 1820-1821 de la Comédie-Française pour croiser les titres Œdipe (1718), Zaïre (1732), Adélaïde du Guesclin (1734), Alzire (1736), Mérope (1743), Sémiramis (1748) et Tancrède (1760) ! Créé à Ferney le 24 mars 1762, Olympie est à l’affiche de l’institution en 1764, d’où elle disparaitra au terme de seize représentations.
Ancien étudiant du Conservatoire de la Pietà dei Turchini (Naples) installé à Paris depuis 1803, Gaspare Spontini (1774-1851) assimile le style français en vogue – synthèse entre les esthétiques révolutionnaire et républicaine – et se fait connaître avec de petits opéras-comiques, une cantate à la gloire de Napoléon (1806) puis les ouvrages qui consolident sa réputation, La vestale (1807) et Fernand Cortez (1809). Séduit par « la monumentalité de la tragédie, sa couleur sombre, son sujet terrible ainsi que la solennité du spectacle » (dixit Olivier Bara, spécialiste des arts de la scène et de la littérature au XIXe siècle), l’Italien consacre alors quatre années à mettre en musique la pièce de Voltaire, avec l’aide des librettistes Charles Brifaut et Michel Dieulafoy. Hélas pour lui, le temps n’est plus à la tragédie lyrique d’inspiration gluckiste défendue par nombre d’étrangers (Cherubini, Sacchini, Salieri, etc.) : Olimpie, donnée pour la première fois le 22 décembre 1819, à l’Académie royale de musique, ne connaît que sept représentations, malgré de solides artistes tels Caroline Branchu, Louis Nourrit et Henri-Étienne Dérivis.
Fuyant à Berlin les attaques répétées de la presse libérale, le compositeur officiel de l’Empire révise son dernier-né avec Ernst Theodor Amadeus Hoffmann et rencontre un succès européen, au lendemain du 14 mai 1821. Gardant la fin heureuse inventée par le géniteur du Chat Murr – aucun suicide pour la veuve d’Alexandre et sa fille –, et ajustant une seconde fois sa partition, le Generalmusikdirektor du roi de Prusse offre à Paris l’ultime version d’Olimpie, le 27 février 1826. Mais la capitale française, qui fête désormais Rossini et les artisans du Grand opéra romantique (Auber, Halévy, Meyerbeer, etc.), lui accorde encore moins d’attention que jadis, avec seulement cinq représentations.
Le premier des trois actes met en place le conflit politique et amoureux entre Antigone, qui empoisonna secrètement Alexandre le Grand, et Cassandre. Ce dernier s’apprête à épouser Aménaïs, une belle captive que son rival aurait bien fait sienne, lorsqu’Arzane, la prêtresse du temple de Diane, rompt la cérémonie. Veuve dissimulée d’Alexandre, elle est en fait Statira, qui croit Cassandre l’assassin de son époux. Un duel final entre les deux hommes lave de tout soupçon l’innocent et lui ouvre les bras de sa belle, consentante comme jamais, en qui Statira a fini par reconnaître sa fille disparue jadis, Olimpie.
On trouve peu de chanteurs ici, et ceux qui posent un problème s’y distinguent d’autant plus. C’est malheureusement le cas avec le couple d’amoureux que forme Karina Gauvin (Olimpie), soprano qui déçoit par des vocalises instables, un vibrato impur et une diction perfectible, et Mathias Vidal (Cassandre), ténor aigrelet, trop souvent fâché avec la justesse. Avec son mezzo autoritaire et velouté, Kate Aldrich (Statira) satisfait davantage, de même que Josef Wagner (Antigone), baryton-basse souple et nuancé, doté d’un timbre riche et d’un français admirable. On aime enfin Patrick Bolleire (Hiérophante, Prêtre), au chant sonore et rond, qui complète la distribution vocale avec Philippe Souvagie (Hermas) et le Vlaams Radio Koor.
À la tête du Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer est la troisième déception du disque. Peu inspiré, le chef peine à donner un corps instrumental à une formation malingre ; il amollit les moments doux et aborde les plus vifs avec tonitruance. Notre conception de la musique est autre.
LB