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Chroniques
Georg Friderich Händel
Aci, Galatea e Polifemo | Acis, Galatée et Polyphème
À L’automne 1706, âgé de vingt-et-un an, le jeune Händel quitte l’Allemagne natale, traverse les Alpes et arrive en Toscane. À la cour du très pieux grand-duc Cosimo III de' Medici où son fils cadet Gian Gastone l’a appelé, le musicien ne trouve pas de place stable mais une simple commande d’ouvrage lyrique – Vincer se stresso è la maggior vittoria, appelé communément Rodrigo, créé à Florence en octobre 1707. Händel se met ensuite en route pour Rome, capitale où cohabitent sans trop de soucis musique sacrée et opéra. Vite repéré pour ses talents d’organiste et de compositeur d’oratorii, le Saxon trouve la protection du marquis Francesco Maria Marescotti Ruspoli, auquel il dédie La Resurrezione (HWV 47) et Trionfo del Tempo e del Disinganno (HWV 46a). Ce mécénat n’empêche pas Händel de voyager et, un an avant l’Agrippina vénitienne, c’est à Naples qu’il fait exécuter Aci, Galatea e Polifemo (HWV 72).
Selon le musicologue anglais Winton Dean, le musicien séjourne une dizaine de semaines au pied du Vésuve, entre mai et juillet 1708, afin de surveiller les répétitions de cette cantate profane (également définie comme serenata a tre). La partition – datée du 16 juin, mais peut-être déjà écrite à Rome – est une commande d’Aurora da Sanseverino, duchesse de Laurenzano, probablement afin d’égayer les noces de sa nièce Beatrice Tocco di Montemiletto avec le duc d'Alvito, Tolomeo Saverio Gallo. Crée le 19 juillet, l’œuvre s’inspire d’un célèbre épisode des Métamorphoses d’Ovide (XIII, vers 738-897) à partir duquel Nicola Giuvo, secrétaire particulier et conseiller littéraire de la duchesse, rédige le livret. Händel reviendra à cette intrigue durant son séjour londonien, lors de son Acis and Galatea de 1718 [lire notre critique du DVD].
Projet du Centro di Musica Antica Pietà de’ Turchini qui met en relation le Teatro Regio Torino – ville de l’enregistrement, en juin 2009 (Teatro Carignano) – et le Teatro di San Carlo di Napoli, cette production jouit de la mise en scène et des décors de Davide Livermore – déjà présent sur le baroque et loufoque Signor Goldoni [lire notre critique du DVD]. Percés d’ouvertures, les murs penchés permettent d’élargir le huis clos en y projetant des images (nuages, papillon, aigle, serpents) qui répondent au texte. Pour reprendre les termes d’un confrère, osons parler d’une « mythologie de salon » devant cet extérieur qui pénètre l’intérieur, à l’image des affects. Comme pour l’ouvrage de 1718 évoqué plus haut, présenté en mars 2009 avec des doubles dansant, trois mimes accompagnent ici les protagonistes – Cristina Banchetti, Luisa Baldinetti et Sax Nicosia –, identiques à quelques détails près. La crudité des corps nus est le point d’orgue de cette histoire infiniment sensuelle.
À leur image, le trio vocal est convaincant.
Ruth Rosique (Acis) s’avère un soprano précis, net et vaillant, tandis que Sara Mingardo (Galatea), au mezzo d’une nature directement expressive, offre son agilité à des vocalises infaillibles. Avec ses allures de Wotan, le Polifemo charismatique d’Antonio Abete souffre d’une voix lourde (nasalisation fréquente, justesse aléatoire) dont le grave ardent, cependant, ravit. De cette partition héritière sinon imitative d’Alessandro Scarlatti (noblesse du langage musicale, absence de chœur, prégnance du da capo), Antonio Florio livre une lecture élégante et délicate, où domine épaisseur et couleur. La Cappella dela Pietà de’ Turchini y est pour beaucoup dans ce résultat, à entendre le relief des bois et la présence profonde du clavecin.
LB