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Chroniques
Georg Friedrich Händel
Orlando | Roland
Marqué par de multiples remaniements et des répétitions étalées sur une longue période, finalement créé à Londres le 27 janvier 1733 avec quelques jours de retard par rapport à la date prévue par le King's Theatre, Orlando rencontra tout juste un succès d'estime, malgré des atouts tels que décors fastueux et distribution prestigieuse (le célèbre castrat Senesino dans le rôle-titre). Il y eut onze représentations mais aucune reprise, jusqu'à la redécouverte de l'ouvrage et de son auteur dans les années 1920. Depuis, d'aucuns considèrent ce premier voletde la trilogie inspirée par Orlando furioso – avec Alcina et Ariodante (1735) – comme l'opéra le plus riche de Händel.
Relevant l'exubérante variété de textures et l'approche chaleureuse des personnages par un créateur attentif au détail, Jonathan Keates écrit, pour sa part : « Orlando prouvait en effet que, bien loin de s'épuiser, son génie s'était renouvelé de manière stupéfiante et avait ainsi donné naissance à une œuvre qui, par sa fraîcheur et son originalité, occupe une place éminente non seulement dans la création de Händel mais parmi tous les opéras du XVIIIe siècle en général » (Fayard).
Avec son librettiste anonyme, le compositeur a puisé non directement dans l'épopée de L'Arioste mais dans un texte de Caro Sigismondo Capece qui, s'en inspirant, fut écrit une vingtaine d'années plus tôt pour Domenico Scarlatti (L'Orlando ovvero la Gelosa Pazzia, 1711). Outre les nombreux récitatifs supprimés au profit d'une musique évocatrice et quasi autonome, notons l'apparition du rôle de Zoroastro, personnage moral qui prône le contrôle des émotions. Face à un soldat dont la raison vacille, l'idée de Jens-Daniel Herzog est donc fine d'en avoir fait un puissant médecin œuvrant dans un sanatorium labyrinthique au chic suranné, où s'observent tant de fragilités affectives et psychologiques, dangers potentiels pour la société. Dommage que sa mise en scène cède, par moments, à la vulgarité.
Cette production zurichoise, filmée en 2007, confie idéalement le rôle-titre à l'androgyne Marijana Mijanovic, dont le lourd contralto est riche en graves musclés. Plein d'autorité, le chant de Konstantin Wolff (Zoroastro) se montre agile, de même que s'avère évident, précis, charnu et très impacté celui de Christina Clark (Dorinda si attachante). Elle éclipse sans peine Martina Janková (Angelica instable, parfois fausse) et Katharina Peetz (Medoro au vibrato un peu large dans le registre inférieur). En fosse, nous retrouvons un William Christie à son aise, dirigeant l'orchestre La Scintilla.
LB