Chroniques

par laurent bergnach

Georg Friedrich Händel
Acis and Galatea | Acis et Galatée

1 DVD Opus Arte (2010)
OA 1025 D
nouvelle production, fin mars 2009, au Royal Opera House

Influencé par les pastorales alors en vogue, Händel livre avec Acis and Galatea (HWV 49) – diversement défini comme un semi-opéra, une serenata ou un masque –, son premier ouvrage dramatique en langue anglaise. Poète et directeur du premier théâtre construit à Covent Garden (en 1732), John Gay en conçoit le livret à partir de textes originaux de John Hugues, Alexander Pope et de la traduction des Métamorphoses d’Ovide signée John Dryden (1693). On y retrouve une histoire connue de tous – celle du berger Acis aimé de la néréide Galatée, que le cyclope Polyphème écrase par jalousie et dont le sang se transforme en fleuve éternel – et du compositeur en particulier qui, une décennie plus tôt, a déjà présenté Aci, Galatée et Polifemo (1708).

Si cette cantate napolitaine fut écrite pour le mariage du duc d’Alvito, la présente pastorale a pour commanditaire James Brydges (comte de Caernarvon et futur duc de Chandos), le nouvel employeur de Händel qui l’accueille, vers la fin 1717, dans son château de Cannons (Middlesex). Sans doute créée le 17 mai de l’année suivante, l’œuvre connaît plusieurs exécutions – dont des reprises non autorisées, accentuant l’aspect scénique – avant d’évoluer durant plus d’une vingtaine d’années (révision pour grand orchestre, ajout d’un deuxième acte puis d’un troisième bientôt retiré, etc.).

Populaire autant que malléable, l’ouvrage fait l’objet d’une nouvelle production, fin mars 2009, au Royal Opera House. Dans un décor pictural qui joue d’abord le jeu de la tradition (temple, ruines, animaux empaillés), l’idylle affirme lentement sa modernité, fait saillir les notions d’altérité et de transcendance au cœur du livret. Le corps prend ici une importance primordiale, au point que chaque chanteur évolue avec son double dansé, fluide et énergique – Lauren Cuthbertson, Edward Watson et Eric Underwood pour ne citer que le trio principal –, souvent avec contraste. Responsable de la mise en scène, le chorégraphe Wayne McGregor explique dans un entretien bonus :

« Une des choses qui me tenaient à cœur était de ne jamais rendre prévisible la nature de la relation entre le danseur et le chanteur. Même s’il y a des scènes uniquement chantées, pour nous aider à comprendre l’intrigue et à avancer dans l’histoire, la danse joue un rôle essentiel dans l’ensemble de cette version. Car il n’y avait aucune danse dans Acis. […] La danse n’est pas toujours une manière de répondre à la musique. Mais quand elle est nécessaire, elle peut donner une toute autre dimension en termes de sens, que l’on n’aurait pas autrement. »

McGregor ne tarit pas d’éloges sur Danielle de Niese, « interprète à la présence incroyable ». Avec son charisme, son chant agile et léger, il faut admettre que le soprano porte le spectacle face à Charles Workman (Acis engorgé, avare en souplesse et stabilité) que l’on a connu en meilleur forme. Terne lui aussi, Matthew Rose (Polyphemus) livre un chant assez grossier dans l’aigu comme dans le grave. Paul Agnew (Damon) ne déçoit que par sa confidentialité, tandis que Ji-Min Park (Coridon) séduit par une aisance tout en rondeur. À la tête de l’Orchestra of the Age of Enlightenment, Christopher Hogwood se montre vif et d’une inflexion tendre.

LB