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Chroniques
Georg Friedrich Händel
Deidamia | Déidamie
Aux sources de l’ultime opéra d’Händel, on trouve Achille in Sciro, un livret d’abord signé Ercole Bentivoglio – auteur de nombreuses comédies, églogues et satires au XVIe siècle – que Giovanni Legrenzi (1626-1690) utilise en 1663 (Teatro San Stefano, Ferrare), puis un autre du même nom conçu par Pietro Metastasio, qu’Antonio Caldara (1670-1736) met en musique pour le 13 février 1736 (Großes Hoftheater, Vienne). De la jeunesse d’Achille, Paolo Antonio Rolli tire les trois actes de Deidamia, avant que le Saxon n’y travaille du 27 octobre au 20 novembre 1740. Créé le 10 janvier 1741 (Lincoln’s Inn Fields), l’ouvrage (HWV 42) ne recueille pas un grand succès puisque seules deux représentations suivront la première.
Qui était donc Achille avant de devenir un héros nimbé de gloire, tué par Pâris pendant le siège de Troie – un épisode relaté par Michael Tippett dans King Priam [lire notre critique du DVD] ? Un fils que la nymphe Thétis, sa mère, plonge dans le Styx pour le rendre invulnérable (en le tenant par son célèbre talon), et que son père Pélée met à l’abri chez son ami Lycomède, lorsqu’un double oracle résonne : Troie ne sera pas vaincue sans l’aide d’Achille, mais ce dernier y trouvera la mort s’il rejoint la bataille. Déguisé en jouvencelle, l’ancien élève du centaure Chiron – qui l’a initié à l’art de la chasse et des armes – vit désormais sur l’île de Skyros et entretient une liaison compliquée avec Déidamie, l’une des filles du roi Lycomède qui connaît son secret. Lorsqu’Ulysse paraît à la recherche du jeune homme qui peine à réfréner sa nature conquérante (parmi les cadeaux offerts par l’homme aux mille ruses, il choisit l’épée plutôt que les rubans), Déidamie sait qu’elle vit ses derniers moments de bonheur avec lui.
À de rares exceptions [lire notre chronique du 11 juin 2003], constatons que l’ouvrage n’est pas des plus fréquents sur nos scènes. David Alden le met en scène pour huit généreuses représentations au De Nederlandse Opera, du 15 mars au 1er avril 2012. Un ciel immense, une scène miroitante et des éléments de décor de moins en moins mobiles et isolés évoquent le cadre antique, dans une langueur paisible. Si la direction d’acteurs est soignée, les quelques gags qui parsèment ces trois heures de spectacle intéressent moins que la poésie fluide des incursions chorégraphiques – Jonathan Lunn.
Dans le rôle-titre, Sally Matthews séduit d’emblée par sa souplesse et son incroyable agilité qui fait de Nasconde l’usignolo un régal. Veronica Cangemi (Nerea) oscille entre quelques phrases malmenées et des mezza-voce extrêmement délicats. Olga Pasichnyk (Achille) ne démérite pas, mais nous lui préférons les qualités du chant serein de Silvia Tro Santafé (Ulisse) : sureté de la vocalise, beauté des graves, contrastes des caractères, etc. Andrew Foster-Williams (Fenice) s’affermit et gagne en robustesse. De même pour Umberto Chiummo (Licomede) dont le vibrato s’apprivoise au fil des scènes.
À la tête d’un Concerto Köln sublissime, Ivor Bolton fait sonner dès l’Ouverture le faste et la majesté des cuivres händéliens. On goûte ensuite certains accords incisifs d’une lecture fort nuancée, au service d’un compositeur parmi les plus radieux qui soient. Uniquement sous-titré en anglais lors des interventions d’un journaliste néerlandais, un documentaire d’une vingtaine de minutes permet de découvrir le chef en répétition. De même qu’Alden évoque Händel et son temps, et trois des interprètes leur personnage, Bolton partage quelques réflexions de travail.
LB