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Chroniques
Georg Friedrich Händel
Saul | Saül
Quatrième oratorio de Händel, Saul est, en 1738, la première contribution du librettiste Charles Jennens à l'œuvre du Grand Saxon, un an avant Israël in Egypt. Outre l'existence d'indications scéniques assez précises, une succession de plus en plus rapprochée de récitatifs + airs, ou récitatifs + duos, font de cette page un quasi opéra, comme c'est presque toujours le cas avec Händel. Aussi, l'interprétation de René Jacobs, à la tête du Concerto Köln, répond-elle aux exigences dramatiques de l'ouvrage, précipitant le flux du discours jusqu'au dénouement.
Dès la Sinfonia, on retrouve en partie la vivacité caractéristique des réalisations de ce chef, prenant qui plus est soin d'un appréciable travail de répons et d'équilibre des pupitres, dans une certaine retenu, pour commencer. Dans la gracieuse partie centrale, on remarquera des phrasés des bois particulièrement tendres, tandis que le troisième mouvement de cette ouverture désigne très clairement le lyrisme de l'ouvrage, traversé de thèmes guerriers, politiques et psychologiques, mais également de cette amitié masculine qu'on jurerait amoureuse. L'introduction chorale du Premier acte affirme un certain détachement dans la pompe, sans atteindre une distance toute britannique, ce qui souligne le sérieux du sujet, rappelant à juste titre que le compositeur, pour s'être forgé le goût en Italie et s'être installé tôt à Londres, n'en est pas moins né en Saxe. La précision et le relief raffiné que prennent ici les passages franchement massifs ou simplement solennels sont tout à l'honneur du RIAS-Kammerchor, nous faisant jusqu'à regretter la maigre place que l'œuvre ménage au chœur.
Il est rare qu'une parution discographique bénéficie d'un plateau vocal d'un tel niveau. Mise à part la prestation de Rosemary Joshua, dessinant une Michal égale à bon nombre de ses incarnations, soit à la fois mièvre et nerveuse, on saluera ici un casting éblouissant et fort bien imaginé. Jusqu'au Samuel de Henry Waddington dont la couleur est tout à fait intéressante !
On retrouve le ténor islandais Finnur Bjarnason en Abner puis en Amalécite, dans une prise de son qui, étrangement, n'est guère flatteuse, rendant son timbre agressif, ce qui n'est pas lui rendre justice. Le jeune Américain Michael Slattery donne un Grand Prêtre plutôt intéressant, d'un phrasé toujours soigné, bien qu'encombré d'une diction trop accentuée ; il compose une Sorcière étonnante qui véhicule une inquiétude bien vue. La grande égalité d’Emma Bell est un des principaux atouts de l'enregistrement : loin des enfantillages de Michal, sa majestueuse Merab, sombre et décidée, gagnera une tendresse inattendue, l'évolution du personnage trouvant en l'expressivité du mezzo un medium idéal. Le timbre clair de Jeremy Ovenden, non dépourvu d'un certain cuivre, convient à Jonathan, servi par une parfaite gestion du souffle, une belle souplesse d'émission ; unique réserve : une tendance à nasaliser l'aigu qui nuit à la douceur de certains traits.
Une fois de plus, on sera pantois devant l'art impressionnant de Lawrence Zazzo : le contre-ténor offre une conduite irréprochable de la voix, une puissance expressive déconcertante, une sensibilité indéniable dans la conception du personnage, un impact vocal d'une élégance troublante, tout de délicatesse, sans préciosité. Et, libérant entièrement la voix dans Such haughty beauties rather move (Deuxième acte), il fait de son David une incarnation exceptionnelle. Si le format vocal de Gidon Saks n'a pas toujours la légèreté requise pour une définition rêvée des vocalises, la richesse de son timbre, son grave musclé (jamais appuyé, cependant) et l'évidente force dramatique de son chant édifient un Saul charismatique, comme il se doit.
BB