Chroniques

par samuel moreau

Georg Friedrich Händel
Serse | Xerxès

1 DVD TDK (2005)
DV-OPSER
production du Semperoper de Dresde (juin 2000)

Après Cavalli en 1654 et Bononcini en 1694, c'est au tour de Händel de mettre en musique le personnage de Xerxès, qui régna sur la Perse moins de cinq cents ans avant Jésus-Christ. Si quelques allusions historiques se réfèrent directement à la vie du roi – le pont de bateaux de l'Hellespont, la vénération d'un platane ramené d'expédition –, ce sont des histoires d'amour imaginaires et compliquées qui constituent le livret original de Nicola Minato, revu ultérieurement par Silvio Stampiglia. Serse (le texte est italien, selon le goût du temps, depuis Keiser et Mattheson) et son frère Arsamene aiment tous deux Romilda, de même que la jeune femme et sa sœur Atalanta aiment Arsamene. Si le roi fait usage de son pouvoir pour éloigner son rival, Atalanta use de la ruse pour se rapprocher de l'exilé. Mais l'opéra finit par le triomphe de l'amour partagé, notamment grâce à l'intervention d'Amastre, princesse d'Egypte promise au roi, qui a tout espionné, déguisée en homme.

Cette période de la composition de l'œuvre – créée le 15 avril 1738 au King's Theater, Haymarket, de Londres – est charnière. Confronté l'année précédente à des problèmes de santé (une attaque d'apoplexie dont il se remet rapidement) et d'argent (résolus par un concert de gala), Händel échoue à toucher le public avec ces trois actes qui confirment que l'opéra italien a fait son temps dans la capitale. Cependant, si le compositeur va s'attacher désormais à développer l'oratorio anglais, et étendre ainsi sa renommé dans un pays qui lui élèvera une statue de son vivant, Serse porte déjà les germes des expérimentations à venir, comme les scènes comiques qui se mêlent au tragique (la scène du clownesque Elviro, déguisé en marchand de fleurs) ou l'évolution de l'aria da capo vers l'arietta/arioso, etc. Bref, une œuvre qui se libère des conventions, et qu'on jugera à sa juste valeur lors de sa redécouverte, au début du XXe siècle.

Dans un opéra qui donne la vedette à trois mezzo-soprani, cette production du Semperoper de Dresde (juin 2000), mise en scène par Michael Hampe, est un sans faute. Paula Rasmussen (Serse) a beaucoup de présence : son chant est souple, le timbre chaud et la phrase menée avec élégance et égalité. Ann Hallenberg [lire notre critique du CD Orlando furioso] compose un émouvant Arsamene aux récitatifs mordants, aux airs évidents dont on mesure la nuance et la sensibilité dans son lamento Non so, se sia la sperme (Acte I, scène 12). Enfin, Patricia Bardon (attachant Amastre) possède une voix fiable qui manque parfois de corps dans les graves mais peut atteindre le contre-ut (Acte II, scène 6).

Si Sandrine Piau (Atalanta), aux ornementations élégantes, inquiète tout d'abord par un chant lointain, ce dernier gagne en fraîcheur, légèreté, naturel et pétillant à mesure qu'évolue son personnage. De cette distribution, on regrette juste les vocalises approximatives d'Isabel Bayrakdarian (Romilda) lors des phases descendantes, et la voix lourde et faible de Marcello Lippi (Ariodate), à laquelle s'ajoute un timbre terne. Tonique sans être heurté, Christophe Rousset dirige Les Talens Lyriques avec noblesse et distance. La couleur parfois feutrée qu'il convoque pour accompagner les victimes du despote contrebalance un décor de métal et de verre, des costumes noirs et argent (Carlo Tommasi), esthétiquement superbes et glaçants de sous-entendus.

SM