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Georg Friedrich Händel
Arminio | Arminius
« Lorsqu’arriva Haendel, à la fin de 1710, écrit Romain Rolland dans un ouvrage essentiel paru en 1910, l’art national était mort. Il est donc absurde de dire, comme on le fait souvent, qu’il a tué la musique anglaise. Il n’y avait plus rien à tuer » (in Haendel, Actes Sud, 2005) [lire notre critique de l’ouvrage]. C’est donc dans Londres dépourvue de compositeurs, mais riche d’excellents virtuoses – « une des meilleures troupes de chanteurs italiens qu’on pût trouver en Europe », précise l’auteur d’Histoire de l’opéra en Europe avant Lully et Scarlatti –, que le natif de Halle va présenter la totalité de ses ouvrages lyriques écrits entre Rinaldo (1711) et Deidamia (1741).
De ces trois décennies d’une intense création aiguillonnée par la concurrence, l’année 1737 se démarque, avec un trio d’opus en langue italienne présenté au Théâtre de Covent Garden : Arminio (12 janvier), Giustino (16 février) et Berenice (18 mai). Händel conçoit la musique du premier entre les 15 septembre et 14 octobre 1736, à partir d’une adaptation anonyme d’un livret d’Antonio Salvi dont se servirent avant lui Alessandro Scarlatti (1703), Caldara (1705), Steffani (1707), Pollarolo (1722) et Hasse (1730). Lui-même inspiré par la tragédie Arminius (1684) de Jean Galbert de Campistron, protégé de Racine, ce texte romance le récit que fit l’historien et sénateur Tacile de la violation d’un traité avec les occupants romains, au tout début du Ier siècle après J.-C., par le guerrier rhénan de la tribu des Chérusques.
Tandis que l’armée romaine avance vers le camp d’Arminio, ce dernier, poussé à la prudence par sa femme Tusnelda, se voit trahir par son beau-père Segeste, soucieux d’établir la paix. Au déchirement de l’épouse s’ajoute celui de sa sœur Ramise, contrainte de repousser Sigismondo, rejeton de Segeste, dont elle était l’amoureuse comblée. À l’acte médian, Tusnelda est torturée par une double pression : celle de céder au général Varo et celle de convaincre Arminio d’abandonner l’esprit de sacrifice. De son côté, Sigismondo empêche le meurtre de son père par Ramise. Plusieurs rebondissements mènent finalement à une fin heureuse : Varo épargne la vie d’un ennemi qu’il estime, Tuselda est sauvée du suicide, tandis que Segeste se repend.
Dans cet enregistrement de la fin 2015, le contre-ténor Max Emanuel Cenčić, aimé pour sa chair sombre, défend un rôle-titre qu’il incarnerait plus tard à Karlsruhe, au temps de la Révolution française – d’où une jaquette bien peu Pax Romana… [lire notre chronique du 26 février 2017]. Ses frères de tessiture s’appellent ici Xavier Sabata (Tullio), toujours aussi agile et nuancé, et Vince Yi (Sigismondo), certes lumineux… mais jusqu’à l’aveuglement. Le soprano Layla Claire (Tuneslda) allie fluidité et fermeté, tandis que Ruxandra Donose (Ramise) s’avère efficace. Juan Sancho (Varo) offre un ténor d’une sûre vaillance et Petros Magoulas (Segeste) une basse bien posée. À la tête d’Armonia Atenea, que l’on sait jouer sur instruments d’époque [lire notre chronique du 9 juillet 2012, ainsi que nos critiques de Siroe, re di Persia et d’Il trionfo di Clelia], George Petrou conduit tout ce petit monde sans réel tonus ni éclat.
LB