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Chroniques
Georg Friedrich Händel
Giulio Cesare in Egitto | Jules César en Égypte
Pour son troisième DVD d'opéra, après deux productions assez anciennes filmées à la Monnaie, le label propose Giulio Cesare in Egitto de Händel, filmé en 2005 au Théâtre Royal de Copenhague. Les concepteurs du spectacle sont Francesco Negrin à la mise en scène et Anthony Baker aux décors et costumes. Comme tout le monde ou presque actuellement, ils situent l'action à l'époque contemporaine, dans un Moyen-Orient guerrier et brutal. Le décor est vaste et sombre, et fait penser à des bunkers d'où l'on ne voit jamais le jour. Tout se passe dans l'espace confiné d'un huis clos souterrain. La production n'est cependant pas étouffante ni ennuyeuse, car le metteur en scène a de l'humour – sans transformer la représentation en pantalonnade – et dirige subtilement les acteurs. Les personnages sont traités avec une certaine ironie (Jules César et Ptolémée, en particulier), mais aussi avec respect de leur caractère propre (Cornelia ou Sesto ont une dimension tragique bien rendue). Certaines scènes sont réussies, comme la rencontre entre César et Ptolémée – juchés sur des fauteuils dont ils actionnent le mécanisme d'élévation à tour de rôle, pour avoir le dessus sur l'adversaire – ou la mort d'Achilla, crue et poignante. Dommage que la plupart des costumes soient si convenus : inévitables treillis pour les hommes, dont une hideuse teinte rouge pour les Romains, costume sombre pour Sesto, et robe de soirée pour Cornelia. Le couple royal est traité avec plus d'originalité : veston imitation léopard sur torse nu pour le frère, et tenues plus diverses (de la minijupe au voile vaporeux) pour la sœur.
La principale vedette de la distribution est Andreas Scholl dans le rôle-titre. Chanteur d'oratorio plus que de théâtre, celui-ci n'est pas le César le plus évident, la voix naturellement séraphique ne le prédestinant pas aux emplois héroïques. Cependant, le chant est scrupuleux, Scholl composant un personnage vocalement et physiquement crédible. Il délivre une succession d'airs de haute tenue musicale : Empiu diro tu sei au vocalises ardentes ; Alma del gran Pompeo profond et douloureux ; Non e si vago e bello délicieusement phrasé ; Se in fiorito ameno prato pimpant, et qui se transforme en concours de virtuosité avec le premier violon monté sur scène ; All lampo dell'armi véloce et brillant. On peut lui reprocher quelques montées vers l'aigu assez serrées et une expression un rien uniforme, mais la technique, alliée à la beauté du timbre, force le respect. Son excellente prestation est cependant éclipsée par Inger Dam Jensen, Cléopâtre vocalement et physiquement superbe, qui traduit de nombreuses facettes d'un personnage qu'elle maîtrise bien, campant une princesse tour à tour orgueilleuse, séductrice, ambitieuse et blessée. La voix est pleine autant qu'égale, le timbre chaud et le chant souple, naturel, au legato parfait, s'avère d'une extrême sensualité – rachetant ainsi quelques aigus douteux.
Le reste du plateau est plus inégal, avec Randi Stene, Cornelia patricienne, à l'expression pathétique mais au vibrato fort large et à l'intonation précaire. Sesto est chanté avec beaucoup d'aplomb, de sensibilité et de fraîcheur par Tuva Semmingsen. Palle Knudsen est un Achilla éloquent et stylé, Michael Maniaci un Nireno à la voix pauvre en substance et au chant aigre, tandis que John Lundgren compose un Curio très digne. La seule faiblesse rédhibitoire du plateau est le Ptolémée de Christopher Robson, contreténor fourbu depuis dix ans. La voix est blanche, les aigus sont acides et faux. L'acteur est intéressant et s'intègre dans la vision du metteur en scène, n'hésitant pas à chanter sous la douche (scène hilarante).
Dans la fosse, le Concerto Copenhagen allie énergie, puissance et virtuosité. Avec enthousiasme, Lars Ulrik Mortensen dirige tout son monde du clavier, adoptant des tempi vifs, et des récitatifs naturels et éloquents. Malgré ses quelques faiblesses, ce Giulio Cesare est tout à fait recommandable.
RL