Chroniques

par bertrand bolognesi

George Benjamin
Les règles du jeu – Entretiens avec Éric Denut

Éditions Musica Falsa (2004)156 pages
ISBN 2-9512386-9-X
Les règles du jeu – Entretiens de George Benjamin avec Éric Denut

Après Philippe Fénelon (interrogé par Laurent Feneyrou) et Philippe Manoury (par Daniela Langer), c'est le compositeur anglais George Benjamin que la collection Entretiens des éditions Musica Falsa nous fait rencontrer, par l'intermédiaire d’Éric Denut, à travers ce volume intitulé Les règles du jeu. Un jeu qui est ici décliné en quatre parties principale, nous promenant de la nécessité de résistance et parfois d'opposition de l'artiste à la fécondation de son univers personnel par la fréquentation de modèles choisis, nous faisant parcourir plus précisément le catalogue du musicien, ses préoccupations de langage et les différentes phases de sa conception de la forme. Préservant son œuvre des diverses tentations du formalisme, après en avoir sciemment exploré certains aspects pour affiner son expression, Benjamin pose sans cesse de nouvelles questions en imaginant son prochain opus, voulu comme une découverte.

Après une introduction à sa lecture des travaux de Sibelius, Scriabine, Debussy, Stravinsky, Ravel, Webern, Messiaen et de l'école spectrale, il nous invite en son atelier, prenant le temps de nous éclairer précisément sur chaque œuvre, du rationalisme d'Antara à la stimulante transparence des Palimpsests, usant aujourd'hui d'une généreuse exploitation des timbres pour clarifier les structures.

Grâce à ce livre, nous approchons un homme toujours soigneux dans ses réponses, jetant un regard inquiet sur le monde et parfois tendrement dérisoire sur lui-même, s'expliquant sur les difficultés de la composition assistée par l'informatique, qui « tourne en fait dans le même cercle », menacée de « passer à côté de l'invention », justifiant une certaine discipline de carrière qui prévoit plusieurs mois consacrés à la direction d'orchestre juste après avoir dessiné la définitive double barre d'une pièce, et nous faisant partager son goût pour des mondes plutôt sombres, comme ceux de Bacon ou de Bosch. Bien que la fluidité de notre lecture se soit parfois trouvée interrompue par une grammaire aléatoire (deuxième paragraphe de la page 92, par exemple), nous saluerons certainement la brillante initiative d’Éric Denut, s'appuyant sur une connaissance sensible de son sujet.

BB