Chroniques

par laurent bergnach

George Benjamin
Written on skin | Écrit sur la peau

1 DVD Opus Arte (2014)
OA 1125 D
George Benjamin joue son opéra Written on skin (2012)

Depuis la création de Written on skin, au Festival d’Aix-en-Provence, le 7 juillet 2012, les mélomanes sont familiarisés avec l’intrigue de l’opéra en trois actes de George Benjamin (né en 1960), que ce soit en salle (à Londres, Amsterdam, Toulouse, etc.) ou dans leur propre salon [lire notre critique du CD]. Rappelons qu’il s’agit d’une histoire d’adultère médiéval entre une épouse illettrée, infantilisée mais soucieuse de s’élever, et le jeune enlumineur engagé pour célébrer les bonnes actions d’un puissant maître des lieux, à travers des images de l’Enfer et du Paradis. Il n’est pas anodin que ce conte domestique se passe sous le regard de trois anges dénués d’empathie – « [...] ils raillent les humains, ils n’ont aucune pitié », précise le compositeur d’Into the little hill [lire notre chronique du 22 novembre 2006] auquel un bonus de quelques minutes donne la parole.

Dans le livret de Martin Crimp – fondé sur de nombreuses références et strates temporelles, et salué pour la perfection de sa construction dramatique et la poésie de ses mots –, la présence d’êtres célestes s’explique par leurs fréquentes apparitions dans les manuscrits imagés du XIIIe siècle, ainsi que dans un célèbre ouvrage du philosophe Walter Benjamin, lequel dépeint « l’Ange de l’Histoire comme une créature qui regarde en arrière, en direction des catastrophes du passé, alors même qu’il est projeté vers le futur et incapable d’agir contre le passé ».

En passionnante passionnée des intrigues amoureuses de jadis transmises aujourd’hui [lire notre chronique du 22 avril 2014], Katie Mitchell commente : « le ton de cet opéra confine à une forme de surréalisme, le surréalisme des rêves où tout ressemble à la réalité dans ses moindres détails, mais sans avoir la logique de la vie ». Sa mise en scène fait cohabiter les deux époques de l’histoire, celle des autoroutes et des escaliers de ciment avec celle des murs noircis de suif et des habits douteux. Les lumières de Jon Clark donnent au plateau un air de tableau flamand, animé par des actes furieux (les caresses du Garçon à Agnès, le baiser du Protecteur au Garçon, etc.). En mars 2013, la caméra londonienne de Margaret Williams en propose une vision fidèle, agrémentée de quelques plans subjectifs (plongée et contre-plongée totales).

Soucieux de lignes vocales clairement soutenues, voire intégrées dans le tissu harmonique, George Benjamin a conçu les rôles spécialement pour les chanteurs de la création – « J’ai pris une vingtaine de pages de notes sur les spécificités de chaque voix, les régions de leur tessiture où ils se sentent bien, etc. ». À l’exception de Rebecca Jo Loeb remplacée par Victoria Simmonds (Ange 2/Marie), nous les retrouvons au complet : Christopher Purves (Le Protecteur), expressif jusqu’en ses enrouements passagers, Barbara Hannigan (Agnès), décevante par nombre d’imprécisions, Bejun Mehta (Ange 1/ Le Garçon) et Allan Clayton (Ange 3/John), imposant de fermeté. C’est l’Orchestra of the Royal Opera House qui répond ici à la battue du compositeur lui-même (au lieu du Mahler Chamber Orchestra autrefois convoqué).

LB