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Chroniques
George Onslow
Sonates pour violoncelle et piano Op.16
Né et mort à Clermont-Ferrand, André George Louis Onslow, dit simplement George Onslow (1784-1853), connaît d’abord le déracinement par l’intermédiaire d’un père aristocrate chassé du Royaume-Uni suite à un scandale familial, puis dans sa propre chair, lorsque la Révolution le pousse à l’exil. Il découvre alors l’Angleterre, l’Allemagne et l’Autriche, ainsi que l’enseignement pianistique de Johann Cramer (lui-même élève de Clementi, avant de fonder la maison d’édition Cramer & Co), Jan Ladislav Dusík (qui se perfectionna, quant à lui, auprès de Carl Philipp Emanuel Bach) et Nicolas-Joseph Hüllmandel (également professeur d’Hyacinthe Jadin).
De même que le violoncelle pratiqué dans un cercle amical, le piano est juste une facette de l’éducation d’un jeune homme de sa caste, avec l’escrime et l’équitation. Mais à vingt-deux ans, la découverte de l’ouverture de Stratonice (1792), comédie héroïque signée Méhul, décide d’un avenir de compositeur. Les premiers essais sont salués par l’entourage, mais la conscience de ses lacunes amène Onslow auprès d’Antonín Rejcha, son seul et unique maître de composition. De même que Méhul fut surnommé « le plus important compositeur d’opéras en France pendant la Révolution » – Cora (1791), Doria (1795), etc. –, son admirateur va s’imposer dans la vie musicale d’outre-Rhin durant la première moitié du XIXe siècle.
Dans un ouvrage qu’elle coordonnait il y a quelque temps (Symétrie/Palazzetto Bru Zane, 2010), Viviane Niaux rappelle l’importance de la musique de chambre dans la production d’Onslow : trente-six quatuors [lire notre chronique du 27 février 2010] et trente-quatre quintettes à cordes [lire notre critique du CD], ainsi que vingt-six pièces avec piano. Parmi celles-ci, on trouve trois sonates pour violoncelle et piano (1820), écrites à une époque où les puristes français ne voient pas encore l'artiste comme un roc de résistance face au raz-de-marée du vaudeville – « M. Onslow, c’est lui qui depuis la mort de Beethoven tient le sceptre de la musique instrumentale », écrit Berlioz à Albert du Boys, en avril 1829.
Dans un bel alliage instrumental que sublime une prise de son soignée, Maude Gratton et Emmanuel Jacques interprètent cet opus 16 avec nuance : elle sur pianoforte John Broadwood (Londres, 1822), convoquant plusieurs couleurs (cymbalum, harpe, etc.) [lire notre chronique du 21 septembre 2013] ; lui sur violoncelle Jacques Boquay (Paris, 1726), au boisé enveloppant.
Bien sûr, Beethoven règne ici, mais le romantisme frais d’Onslow emprunte aussi un chant discret à Schubert et Mozart (n°1), la grâce mélancolique de Chopin (n°2) ou encore les envolées ludiques d’Haydn (n°3) – pour le côté français, l’Auvergnat semble moins hériter de Rameau qu’annoncer Saint-Saëns. Si la Troisième sonate pèche par une virtuosité un peu vaine, l’ensemble de l’opus est tout élégance, lumière et profondeur, magnifiquement rendus par un duo qui mérite le salut d’une Anaclase !.
LB