Chroniques

par laurent bergnach

Georges Aperghis
14 récitations

1 CD Col Legno (2006)
WWE 20270
Georges Aperghis | 14 récitations

Depuis bientôt quarante-cinq ans qu'il habite Paris, Georges Aperghis n'en finit pas de mener une carrière originale, partageant son activité entre écriture instrumentale ou vocale, théâtre musical et opéra. Rien que depuis le passage du siècle, Die Hamletmashine Oratorio, Machinations, Avis de tempête [lire notre chronique 17 novembre 2004], Wölfli Kantata [lire notre chronique du 22 septembre 2006], etc., sont autant de spectacles qui s'inspirent de faits sociaux transposés dans un monde poétique et absurde, dans lesquels les chanteurs ne sont pas loin d'apparaître aussi comédiens. Composée en 1978 avec le souci d'être compréhensible et perceptible, avec le désir de voir l'auditeur entrer dans le microcosme d'histoires imaginaires, l'ouvrage présenté ici s'avère sans doute un des plus cosmopolites du créateur, lequel écrit :

« L'idée de base pour les 14 Récitations est de travailler avec les syllabes et des phonèmes comme s'ils étaient notes ou hauteurs. Au lieu d'utiliser des hauteurs seulement pour créer des mélodies, je travaille avec des fragments simples de notre langue. Ce principe est comparable à la Klangfarbenmelodie chez Anton Webern : une mélodie faite de couleurs, de valeurs des sons avec toutes leurs richesses. [...] Il n'y a pas de théâtre à jouer en plus de la musique. Il y a seulement la partition, et son exécution qui crée le théâtre. Le pire qui puisse arriver à ces pièces est l'ajout de théâtralité ».

Nous avions laissé Donatienne Michel-Dansac dans Tourbillons [lire notre chronique du 5 juin 2005] – toujours d’Aperghis – et la retrouvons dans le premier enregistrement public de l'intégrale des Récitations, réalisé au festival Wien Modern en novembre 2001. Le plaisir y est différent, car nous avons évidemment à l'oreille d'autres versions de ces portraits mentaux, d'autres silences, d'autres timbres de voix – celui de Martine Viard, notamment. Mais comme le rappelle le soprano, les règles à définir offrent un vaste choix d'expression à l'interprète et, par-là même, l'occasion d'une écoute nouvelle pour l'auditeur. Nul doute que sa proposition – dont nous saluons l'angoissée n°4, la burlesque n°6, l'hystérique n°8, la lyrique n°12, la schizophrène n°13, etc. – serve à son tour de référence aux nouvelles générations.

LB