Chroniques

par laurent bergnach

Georges Bizet
Carmen

1 DVD EuroArts (2005)
2054529
au Opernfestspiele St Margarethen, la mise en scène classique de de Bosio

Un an après l'horripilante et drôlissime Aïda de 2004 [lire notre critique du DVD], nous pensions en avoir fini avec les productions autrichiennes à grand spectacle ; mais grâce à la magie du cinéma, nous revoici au Opernfestspiele St Margarethen. C'est à une représentation de Carmen (le 16 juillet dernier) que nous sommes conviés cette fois. Et même si les photos de la jaquette – du pur chromo – font penser à un téléfilm tourné non loin des arènes de Séville, nous sommes toujours au théâtre, sur la plus grande scène naturelle d'Europe. Les décors y sont époustouflants (pont, maisons, moulins), la bagarre des cigarières est matée par des soldats à cheval, et les contrebandiers descendent de la falaise en rappel. Ernst Märzendorfer, à la tête de l'Orchestre National du Théâtre de Brno, en alternant tonicité et douceur, est cette fois plus convainquant.

Si l’on considère le nombre de clichés de cette production, la mise en scène de Gianfranco de Bosio reste classique. Ainsi, notre Carmen multiplie les rires et les sautillements, et ne cultive la sobriété qu'en de rares moments. La gifle reçue du brigadier, avant le départ dans les montagnes, donne un éclairage sur sa vulnérabilité et sur les limites de sa soumission amoureuse. Le timbre de Nadia Krasteva est sombre, les graves sont puissants, mais la voix révèle vite un problème de placement. Contrastant avec le jeu du mezzo, Don José semble un nain de jardin piqué par une mouche tsé-tsé. Aleksandrs Antonenko a la vaillance, la beauté du timbre, mais connaît des soucis de nuances et d'entretient du legato – outre les problèmes de liaisons propres à la diction française, son Dragon d'Alcala est une catastrophe, rattrapé par La fleur que tu m'avais jetée, de toute beauté. Sebastian Holecek est un honnête Escamillo, mais son torero, préparant une reconversion dans le sumo, est peu crédible.

Spectacle encore, avec ces figurants qui font les cent pas sur scènes (joli plan sur un couple effectuant un demi-tour…) puis un salut de la main dès qu'un semblant de parade s'annonce, avec ce chœur des gamins chanté sans conviction et celui des hommes souvent faux. Spectacle toujours, avec le Ballet Espagnol de Valencia qui ne loupe pas une occasion de lever les bras et frapper du talon, pour justifier son cachet. La fête est perpétuelle, et il faut bien ajouter cracheur de feu, feux de Bengale et pluie de serpentins pour donner du relief à la corrida du dernier acte – avant un assassinat tragi-comique. Heureusement, il y a Asa Elmgren, qui telle une Heidi à natte blonde et jupe bleue descendue de sa montagne, propose une Micaëla maligne, drôle et émouvante, avec une souplesse et des nuances vocales étonnantes, apportant un peu d'intimité et de délicatesse à cette espagnolade trop épicée.

LB