Chroniques

par samuel moreau

Giacomo Meyerbeer
Les Huguenots

2 DVD Opus Arte / Faveo (2007)
OA F 4024 D
Richard Bonynge joue Les Huguenots (1836), grand opéra signé Meyerbeer

Née à Sidney en 1926, Joan Sutherland y faisait ses adieux à l’Opéra en 1990, mettant ainsi un terme à une carrière des plus riches : études de chants entamées à dix-huit ans et poursuivies au Royal College of Music (Angleterre), débuts dans Dido and Æneas (1947), approche du répertoire de soprano dramatique (à l’image d’une Flagstad), défense du bel canto renaissant (à l’image d’une Callas), puis redécouverte des opéras oubliés de la période baroque.

En 1960, elle ramène d’Italie son surnom de ProdigieuseLa Stupenda –, elle qui fait tant pour les ouvrages italiens jusqu’en dans les années quatre-vingt, incarnant Lucia di Lammermoor, Violetta, Amina, Elvira, Beatrice di Tenda, Maria Stuarda, Lucrezia Borgia, Anna Bolena ou encore Adrianna Lecouvreur. Sa contribution à l’opéra français compte principalement la première anglaise du Dialogue des Carmélites (1958) ainsi que Les Huguenots (1962). À soixante-quatre ans, sa dernière performance – saluée par un tourbillon d’applaudissements, de serpentins, de feux d’artifices – lui fait retrouver le personnage de Marguerite de Valois, avec un chant bien mené et des vocalises toujours efficaces.

Reprenant l’appellation donnée par leurs ennemis aux protestants français d’obédience calviniste, l’ouvrage de Giacomo Meyerbeer (1791-1864), créé à Paris le 29 février 1836, nous plonge en pleine guerre de religion, à la veille du massacre de la Saint-Barthélemy. À défaut de mise en scène inspirée – à l’exception du signe de croix interrompu de Saint-Bris, sur le corps de sa fille –, la reconstitution (décors et costumes) s’avère efficace, de même que sa captation filmique, d’une grande variété de plans.

Maître d’une direction ferme, nuancée et contrastée à la tête de The Elizabethan Sydney Orchestra, Richard Bonynge accompagne des chanteurs intéressants. Chaleureux et coloré, John Pringle incarne un Comte de Nevers aussi crédible que le Raoul de Nangis d’Anson Austin, dont l’émission sonore s’assouplit après un premier air un peu raide. Émouvante sur O terreur ! Je tressaille... (Acte III), Amanda Thana compose une Valentine au chant évident, d’une belle pâte vocale. Tout en agilité, Suzanne Johnston offre son enthousiasme rayonnant au rôle d’Urbain. John Wegner séduit en Comte Saint-Bris, avec sa belle articulation et son timbre rond, autant que déçoit Clifford Grant, Marcel des plus fatigués. De même, on préfère à un chœur sans diction le ballet rythmé des bohémiens.

SM