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Chroniques
Giacomo Puccini
La bohème
La Bohème de Puccini est l'un des opéras les mieux servis au DVD. Vient s'y ajouter la version d'Opus Arte, la représentation filmée étant celle du Teatro Real de Madrid, dirigée par Jesus Lopez Cobos et mise en scène par Giancarlo del Monaco. Ce dernier a souhaité une réalisation cinématographique de cette œuvre (permise par les moyens techniques du théâtre), et c'est vrai que les opéras écrits par Puccini s'y prêtent en raison de leur musique expressive et somptueuse, de livrets soigneusement élaborés. Le metteur en scène justifie sa démarche dans un entretien complémentaire, ainsi que dans le livret accompagnant le DVD, où il précise que celui-ci est une source continuelle pour les compositeurs de musiques de film ; les deux chanteurs principaux et le chef d'orchestre donnent également leur point de vue.
Il a transposé l'œuvre aux alentours de 1900, c'est-à-dire à l'époque où Puccini la composa. C'est crédible et efficace : en effet, la misère dans Paris était sans doute aussi noire que celle des années 1830, les problèmes étant aggravés par la pollution des débuts de l'industrialisation. Les décors, représentant une capitale spectaculaire et inquiétante, sont splendides. La mansarde du début est une sorte d'immense grenier éclairé par une grande baie vitrée, source d'inspiration pour les artistes y habitant, et il est vrai, difficile à chauffer l'hiver. La scène du café Momus, aux éclairages fauves, de jaunes et de marrons subtils, montre une rue et des escaliers entourés de façades monumentales. Le café est pittoresque, avec ses belles boiseries et son comptoir à bouteilles. L'on y voit que le riche protecteur de Musetta possède une voiture que les jeunes gens utiliseront pour filer. La scène de la barrière d'Enfer est éclairée de manière identique, le café étant une grande bâtisse sur fond noir où se détachent trois lumières de réverbères. Matin d'hiver peu rassurant où marchandes et ouvriers viennent travailler, où prostituées et alcooliques tentent de se réchauffer au feu des bidons. Dans ce fond noir, Rodolphe et Mimi disparaîtront à la fin de l'acte. Pour finir, retour dans la mansarde au crépuscule. Lorsque Mimi mourra réapparaissent les rues de Paris où, fou de chagrin, Rodolphe laisse errer ses nuits.
La direction d'acteurs est excellente, et tous s'y prêtent avec brio, choristes comme solistes. Inva Mula, à la base soprano léger, réussit à chanter ce rôle réclamant une voix plus touffue. La chanteuse au timbre lumineux a effectivement gagné en ampleur. Elle incarne une Mimi fragile et émouvante qui n'ignore rien de ce qui lui adviendra et veut profiter du temps qui lui reste à vivre. Aquiles Machado, ténor ample et généreux, s'investit en Rodolphe, montrant chaque sentiment du personnage avec concision. En ce qui concerne le couple Marcel/Musetta, le baryton-basse Fabio Maria Capitanucci a une belle présence mais manque un peu de nuances au début, cela s'arrangeant aux deux derniers actes ; Laura Giordano n'est pas toujours juste, mais sa voix a la brillance qui convient au rôle. Elle compose un personnage intéressant, vêtu d'une somptueuse robe rouge chez Momus, habillée en homme et faisant du vélo (ce qui, à l'époque, était très mal vu pour une femme) à la barrière d'Enfer, autant de détails qui nous montre son désir d'indépendance. Felipe Bou est un Colline philosophe mélancolique, qui chante fort bien les adieux à sa vieille veste, et David Menendez un très bon Shaunard, musicien plein de vie.
Jésus Lopez Coboz adhère pleinement à la vision du metteur en scène et dirige l'Orchestre du Teatro Real en mettant en valeur les couleurs orchestrales de la partition.
SC