Chroniques

par stéphanie cariou

Giacomo Puccini
La rondine | L’hirondelle

1 DVD Arthaus Musik (2008)
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Giacomo Puccini | La rondine

Arthaus offre ici un des opéras les plus rarement joués de Puccini : La Rondine, filmée à la Fenice de Venise. L'œuvre est très différente de celles que signait le compositeur, puisqu'il n'y survient aucune mort violente – comme dans La Fanciulla del West, et encore, Dick Johnson se trouvant grièvement blessé et manquant d'être pendu. Si le ton peut sembler plus léger, la fin n'est pas heureuse pour autant. En effet, Magda quitte Ruggero pour ne pas le décevoir.

L'histoire peut, de loin, et sans l'issue tragique, rappeler celle de la Traviata, Violetta étant une riche courtisane qui rencontre le grand amour. L'action, qui se situe à Paris et à Nice sous le Second Empire, est ici transposée par le metteur en scène dans les années cinquante. Magda de Civry est une courtisane, maîtresse attitrée du riche banquier parisien Rambaldo Fernandez. Elle souhaite vivre autre chose. Le poète Prunier lui conseille de se rendre à une fête. Magda emprunte les vêtements de Lisette, sa femme de chambre. Elle rencontre Ruggero lors de la fête et en tombe amoureuse. Elle croise également le poète en compagnie de Lisette, vêtue d'une de ses robes. Rambaldo arrive, Magda lui apprend qu'elle le quitte pour Ruggero. Ils se rendent sur la Côte d'Azur, Ruggero la demande en mariage. Magda refuse et avoue lui avoir menti. Malgré ses supplications, elle le quitte, de peur de le rendre malheureux.

Au départ, il fût proposé à Puccini de composer une opérette. Celui-ci accepta pour des raisons financières. Au fur et à mesure, l'opérette devint une comédie lyrique sur le modèle du Chevalier à la Rose. Elle conserva cependant les caractéristiques d'une opérette viennoise, avec un côté lyrique et sentimental, incarné par Magda et Ruggero, et un côté comique assumé par les personnages de Lisette et de Prunier. La création devait avoir lieu à Vienne en 1915, mais fut annulée en raison de l'entrée en guerre de l'Italie. Elle eut lieu à Monte-Carlo, en 1917. C'est en 1920 que l'œuvre put être montée à Vienne. Elle ne fut pas toujours bien accueillie, certains critiques la jugeant insignifiante. Elle reste cependant l'une des plus délicates de Puccini.

La mise en scène stylisée de Graham Clark rend parfaitement justice à La Rondine. Les décors et les costumes, très colorés, sont magnifiques. Il y a de beaux effets d'éclairage. La direction d'acteurs est très soignée. Le premier acte se situe dans un superbe appartement aux murs blancs, avec des rideaux et des canapés d'un beau bleu. Le second acte se déroule dans une fête foraine, autour d'une buvette-caravane décorée d'une danseuse de cancan, vers laquelle arrivent des mobylettes. La scène finale se passe sur la terrasse de la villa, avec un beau ciel bleu nuageux qui s'écroulera lorsque Magda aura quitté Ruggero.

L'équipe vocale est presque entièrement italienne. Le rôle de Magda convient parfaitement à Fiorenza Cedolins. Sa voix est ronde et chaleureuse. Elle est tour à tour légère et émouvante, selon la situation où elle se trouve, mais toujours élégante. Fernando Portari est un Ruggero attachant et sincère, à la voix de ténor mélodieuse et bien conduite. Sandra Pastrana, Lisette, est piquante mais ne sombre pas dans la caricature ; sa voix de soprano léger est brillante. Emanuele Giannino est un Prunier impétueux, mais sympathique, avec une voix agréable. Les seconds rôles sont excellents, comme le Rambaldo protecteur de Stefano Antonucci et le trio des amies de Magda, impeccable vocalement comme théâtralement. Les Chœurs de la Fenice sonnent bien. En fosse, Carlo Rizzi s'emploie à faire ressortir chaque aspect de la partition, et tire de fort belles couleurs de l'orchestre vénitien.

SC