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Chroniques
Giacomo Puccini
La bohème
Cette production londonienne n’est pas de première jeunesse, puisqu’elle fut créée à Covent Garden trente-cinq ans avant la présente captation (effectuée in loco lors des reprises de décembre 2009). Pourtant, ne vous attendez pas à devoir l’estimer comme désuète, « démodée », voire obsolète : John Copley signait bien au contraire une mise en scène si proche du texte, des situations et des personnages, qu’elle n’a pas vieillie d’un cil, contrairement à de nombreuses fécondations précipitées aux options « actualisées » qui, après cinq saisons (quand ce n’est moins, il faut le dire), exigent une replongée dans le temps de leur première. Voir en 2012 cette Bohème de 1974 n’impose aucune gymnastique. Les décors et costumes de Julia Trevelyan Oman initiaient alors une fructueuse collaboration entre la Royal Opera House et cette immense scénographe britannique bien connue au théâtre, à la télévision et au cinéma. Inutile de chercher loin : ici, la mansarde des joyeux garçons est bel et bien une mansarde, le restaurant de la Saint-Sylvestre une brasserie parisienne, et ainsi de suite, tout cela dans une évocation picturale concluante qui ne s’attarde pas inconsidérément au détail (nous ne sommes pas à New York, aussi). Quoique « traditionnelle », la réalisation est donc satisfaisante, bien qu’on regrette plus d’une vulgarité dans certaines dérives trop appuyées (la mise en boîte de Benoît, par exemple, qui en perd son potentiel comique, ou certain geste suggestif de Musetta, etc.).
Quoiqu’il livre une prestation qui jamais ne se montre déshonorante, loin s’en faut, le plateau vocal ne convainc pas vraiment. À commencer par le Schaunard de Jacques Imbrailo, chevrotant et cabotin, qui engorge le grave. À poursuivre avec la Mimi très godiche d’Hibla Gerzmava dont le chant trop affecté et l’italien bouilli ne font pas bon ménage avec une surenchère dramatique par à-coups. On lui préfère Inna Dukach, Musetta simplement « bonne fille » et drôle comme tout, qui enchante par une conduite inouïe de la nuance.
Les trois autres Parisiens ne déméritent pas. Gabriele Viviani campe un Marcello attachant, d’un baryton particulièrement présent qui mène adroitement sa ligne vocale. Vaillant, Teodor Ilincai prête un organe solide et souple à Rodolfo, mais parfois un peu instable dans les phrases descendantes. On découvre en Colline (superbe air du manteau, au dernier tableau !) une jeune basse très impactée : Kostas Smoriginas.
Entendre Puccini sous la baguette d’Andris Nelsons est pure merveille ! Voici une version extrêmement leste, parfaitement mise en relief, de La bohème, qui vit incroyablement. Les couleurs en sont soigneusement travaillées, comme l’inflexion, toujours au service de la dramaturgie – la sonorité des cordes, à l’entrée de Mimi, suffit seule à suggérer le coup de foudre.
AB