Chroniques

par laurent bergnach

Giacomo Puccini
Tosca

1 DVD Deutsche Grammophon (2005)
073 4038
Giacomo Puccini | Tosca

Inspiré de la pièce de Victorien Sardou – un des grands triomphes de Sarah Bernhardt –, Tosca est créé au Teatro Costanzi de Rome, le 14 janvier 1900. Comme pour Manon Lescaut et La Bohème, Puccini fait confiance à Luigi Illica et Giuseppe Giascosa pour fournir un livret solide à cet opéra en trois actes, où tout se joue en moins de vingt-quatre heures, à l'image d'une tragédie antique.

Ce mois de juin 1800 (le 17, si l'on se réfère à la bataille de Marengo, annoncée par Sciarrone), le baron Vitellio Scarpia, commandité par la reine Maria Carolina, assume la direction d'une police secrète. La capitale italienne vient juste d'être reprise aux Français qui, dans le sillon de la Révolution, y avaient installé une République romaine, ouverte aux influences des Lumières. L'un de ses consuls, Cesare Angelotti, a été emprisonné pour trahison et, au lever de rideau, vient juste de s'échapper du Castello Sant'Angelo. À l'Église Sant'Andrea della Valle où il doit récupérer un déguisement déposé par sa sœur, il trouve le peintre Mario Cavaradossi, en qui il reconnaît un sympathisant politique. Cavaradossi lui offre une cachette dans un puits de sa villa. Renseigné sur cette rencontre, Scarpia le fera torturer pour retrouver la trace du fuyard. Mais c'est surtout la souffrance qu'il inflige à la maîtresse du peintre, la cantatrice Floria Tosca, qui le fera triompher de ce trio rebelle, même après sa mort.

Ce film de 1976, tourné avec intelligence par Gianfranco de Bosio (la ronde des choristes, la scène de torture, la mort de Scarpia), nous ramène sur la plupart des lieux même de l'action, et nous invite à retrouver trois artistes au sommet de leur art.

L'ayant incarné à plus de quatre cents occasions, Raina Kabaïvanska est une Tosca des plus évidentes, charismatique et sans vulgarité. Le chant du soprano bulgare, bien mené, nous séduit par ses nuances. Plácido Domingo, lui aussi à l'aise avec son personnage (il chanta son premier Cavaradossi au Mexique, en 1961), jouit d'une voix large et souple, d'une grande égalité de couleur. Face à ce couple amoureux, le démon Scarpia – qui s'abreuve aux ruses d’Iago quand Tosca se nourrit de beauté – possède le visage impénétrable, le regard de rapace de Sherrill Milnes. Scarpia, c'est l'élégance et la bestialité réunies en un seul homme. D'une grande santé, d'un timbre idéal, le baryton est tout en intériorité ; discrètement cynique, il annonce pianissimo ses terribles projets. Les rôles secondaires sont tout aussi justes et crédibles : Giancarlo Luccardi en Angelotti amaigri et traqué, Alfredo Mariotti en sacristain drôle mais sans outrance, jusqu'au petit berger de la fin, incarné avec innocence par le tout jeune Plácido Domingo Jr.

L'ensemble bénéficie du travail efficace de Bruno Bartoletti, à la tête du New Philhamonia Orchestra. Ainsi les contrastes très marqués du début annoncent-ils le suspense qui sous-tend l'œuvre tout comme la sensualité des cordes, sur l'Angelus, rappelle combien érotisme et religion sont liés dans ce chef-d'œuvre incontournable.

LB