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Chroniques
Giacomo Puccini
Tosca
Tosca fut créé au tout début de l'année 1900, le 14 janvier, au Teatro Costanzi de Rome. Il est intéressant de voir quel fut l'accueil réservé à cet opéra écrit par un Puccini d'une quarantaine d'années. La première fut mitigée, surtout du côté de la critique qui reprocha le mauvais goût du livret. Or, mis de côté le sujet inspiré d'un drame de boulevard de Victorien Sardou – et dont le succès dû beaucoup à la seule présence de Sarah Bernhardt –, on tient là l'unique tentative du compositeur de se rapprocher ouvertement de sujets politiques, voire patriotiques, qui firent la fortune de Verdi. Bien que ce contexte politique reste en second plan de l'histoire d'amour de Floria et Mario, ne ruine-t-il pas cette nuit que les amants auraient du passer à la villa du peintre, avec ce prisonnier évadé, cette scène de torture, ce faux simulacre d'exécution, bref, avec un contexte d'état policier et ce chef devant qui tout Rome tremblait ?
Autre malentendu, celui de voir dans l'œuvre un parangon du bel canto quand de nombreux exemples prouvent d'une certaine exigence du musicien : l'intérêt pour Pelléas et Mélisande, l'ouvrage de Maeterlinck qui faillit être chanté bien avant Debussy, les batailles avec Sardou pour condenser la trame originale, la suppression d'un quatuor prévu dans le salon de Scarpia et jugé trop proche des conventions romantiques, la tension harmonique de l'introduction qui pose une quasi dissonance faisant corps avec la dramaturgie, etc. Enfin, notons que si Debussy et Dukas (« plus de savoir-faire que de foncière personnalité ») se sont emportés contre ce drame vériste, Schönberg, avec Ravel, Stravinsky ou Varèse ont rendu hommage au créateur italien.
On découvre au dos du boîtier de cette production des Arènes de Vérone (1984) un extrait de La Stampa qualifiant la mise en scène de Sylvano Bussotti de blockbuster ; du coup, on s'inquiète un peu, le terme n'ayant généralement pas bonne presse, puisqu'il sous-entend une œuvre formatée pour plaire au plus grand nombre, reposant le plus souvent sur des moyens colossaux. C'est bien ce que nous avons ici, avec ce décor exubérant et baroque (escaliers, rochers, colonnes, grilles), plus proche de la revue que de l'opéra. Mais l'esthétique salle de vente aux enchères ne vient jamais rattraper une mise en scène sans inspiration, surtout pas les incohérences comme la franche brutalité de Scarpia envers Spoletta, ou les femmes santons du Te Deum.
Musicalement à la traîne, ce dernier est d'ailleurs complètement raté par un chef lourd qui, du premier au troisième acte, va de Charybde en Scylla. À la tête d'un orchestre qu'il décompose lorsqu'il parvient à lui donner un peu de présence – écoutons ces unissons de cordes effrayants, ces pizz' ramollis ! –, Daniel Oren prend des libertés avec le tempo qui vont jusqu'au non respect du travail avec les chanteurs.
Heureusement, le duo vedette est là pour éveiller notre attention. Face au Scarpia irréprochable d’Ingvar Wixell, mais convenu et peu inquiétant, Eva Marton incarne une Tosca crédible et attachante, nuancée et sensible. Quant à Giacomo Aragall, il est un Cavaradossi émouvant, au jeu très intérieur, pas grimaçant comme souvent. Son chant est souple, léger, lumineux, avec un grave étonnement sonore pour un ténor. Avec beaucoup d'élégance et de douceur, il fait merveille dans les pianissimi des duos amoureux.
SM