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Chroniques
Giacomo Puccini
Madama Butterfly | Madame Butterfly
L'art de Robert Wilson reste décrié…
Trente ans après le choc d'Einstein on the Beach sur la musique de Philip Glass, la critique et le public reprochent à cet artiste très actif l'absence de renouveau dans ses mises en scènes d'opéra. Et pourtant, institutions et festivals se battent pour accueillir ses scénographies. Certes, le style hiératique à l'extrême et ultra concentré de l'Américain ne s'accorde pas avec toutes les œuvres. Dans des partitions statiques comme celles de Gluck, Aida de Verdi et, dans une certaine mesure, Das Rheingold de Wagner, l'approche de Wilson se révèle juste et convaincante.
Cette production de Madame Butterfly de Giacomo Puccini, montée pour l'Opéra national de Paris du temps du règne de Pierre Bergé (grand ami et soutien financier de Wilson, via la fondation Yves Saint Laurent), s'est imposée comme l'une des meilleures réalisations du metteur en scène. Toujours au répertoire de la Grande boutique, elle a voyagé à travers le monde, jusqu'au Théâtre Bolchoï (Moscou) où elle était présentée en juin dernier, en passant par le Nederlandse Opera (Amsterdam). C'est d'ailleurs de cette institution que nous provient la captation réalisée en 2003 par la télévision néerlandaise. Bien évidemment, l'exotisme du sujet s'adapte miraculeusement aux superbes costumes de la fidèle Frida Parmeggiani et les lumières, toujours travaillées à l'extrême, accompagnent le drame avec éclat. Inspirés du théâtre japonais, les gestes minimaux suggèrent l'action. Grâce aux gros plans sur les chanteurs, le spectateur peut se rendre compte que le statisme n'est qu'une illusion et que les gestes sont tant présents que démonstratifs. La tension dramatique est d'autant plus renforcée que l'action se déroule sur un large espace dénudé de tout décor ou d'accessoires superflus. Certaines scènes se révèlent mémorables, comme le mariage et la mort de Butterfly.
La distribution, qui pourtant ne comporte guère de stars, est de très haut niveau. Sans avoir le timbre du siècle, le soprano Cheryl Barker est une excellente Butterfly à la voix puissante et à l'engagement total. Martin Thompsom apparaît comme un Pinkerton cynique et brutal, au timbre séduisant. Richard Stilwel est un peu usé, le timbre est gris, mais la musicalité et la conduite du chant restent de premier plan ; il sait faire ressortir toutes les facettes du consul américain (Sharpless). Les rôles de comparses sont distribués avec soin : l'on peut retenir la prestation de Peter Blanchet en Goro et de Catherine Keen en Suzuki.
Dans la fosse, Edo de Waart, l'ancien directeur musical de l'Opéra d'Amsterdam, aborde son premier Puccini. Rompu au métier de chef de théâtre, il sait accompagner avec tact les chanteurs et tire de superbes sonorités de l'Orchestre Philharmonique des Pays-Bas, l'une des formations qui assurent les services lyriques en l'absence d'orchestre permanent en la maison amstellodamoise. Les Chœurs du Nederlandse Opera livrent une courte mais belle prestation.
Comme toujours avec les DVD Opus Arte, un grand soin est apporté aux bonus. Le mélomane saura ainsi apprécier un documentaire sur l'œuvre, succinct mais pédagogique, avec des interventions de chanteurs, du chef d'orchestre et du metteur en scène, ainsi qu'une sympathique galerie de photos.
PJT