Chroniques

par laurent bergnach

Gioachino Rossini
Ermione | Hermione

1 DVD Warner Vision (2006) zones 2, 3, 4, 5
0630-14012-2
Ermione, opéra de Rossini

Si les nouvelles générations verront en Hermione la fidèle amie d'Harry Potter, les autres savent ce nom lié à la première grande tragédie de Jean Racine, Andromaque, créée le 17 novembre 1667 – peu après viendra, en 1673, une Cadmus et Hermione, tragédie en musique de Lully… mais c'est une autre histoire.

L'opéra s'ouvre dans les prisons d'Epire, suite à la légendaire guerre de Troie, remportée par les Grecs, Pyrrhus en tête. On conseille à Andromaque, la veuve d'Hector, d'épouser ce vainqueur amoureux, ne serait-ce que pour sauver la vie de son fils Astyanax. Parallèlement, un autre drame sentimental se cristallise : Hermione, délaissée par Pyrrhus, est insensible à la cour d'Oreste, lequel se confie à son compagnon Pylade. Après un ultime délai de réflexion qui a tout du chantage – Pyrrhus parle de livrer Astyanax aux Grecs –, Andromaque accepte les noces ; cependant, elle prévoit de se donner la mort, sitôt son fils protégé par un serment solennel. Hermione, ivre de rage, tend un poignard à Oreste : elle sera à lui s'il assassine Pyrrhus. Quand il revient couvert de sang, désemparée, elle le repousse et évoque les Erynies. Le jeune homme tourmenté s'enfuit avec Pylade.

Gioachino Rossinin'a pas vingt-cinq ans lorsqu'on lui propose un contrat comme directeur musical du Teatro San Carlo de Naples. Le jeune compositeur vient de créer avec succès Tancredi et L'Italiana in Algeri, et les conditions exceptionnelles qu'on lui propose (humaines et financières) vont lui permettre d'expérimenter de nouvelles voies, notamment en développant le rôle de l'orchestre, la place du récitatif accompagné, l'expression dramatique. De 1815 à 1822, loin de la veine buffa, neuf opéras verront le jour dont Ermione, créé le 27 mars 1819 à partir d’un livret d'Andrea Leone Tottola. Tissée d'amour et de haine, l'œuvre ne laisse aucun répit au spectateur
et sera très vite retirée de l'affiche.

En juin 1995, à Glyndebourne, on est loin de l'échec de la création, d'autant que Graham Vick réalise un travail de mise en scène simple et efficace. Le chœur masculin, déplorant la ruine de Troie, est assez nuancé pour nous intéresser d'emblée. Diana Montague (Andromaque) arrive bientôt, et son chant bien mené, ses aigus corsés, tandis qu'elle peut serrer contre elle son enfant, nous font paraître moins longue sa scène de désespoir. Nous découvrons alors un palais XIXe siècle, tout de rouge et d'or, et en particulier une loge en hémicycle, lieu de déchirements semi-privés.

Le premier grand duo de l'ouvrage résonne d'un cri de vengeance lancé par Hermione. Dans ce rôle, Anna Caterina Antonacci séduit par un chant souple et facile, par un timbre velouté. Peu à peu, elle montrera ses qualités de tragédienne, devenant « tigresse d'Hyrcanie ». Face à elle,Jorge Lopez-Yanez (Pyrrhus) et Bruce Ford (Oreste) font preuve de vaillance, de nuances au besoin ; on regrettera juste un manque de legato chez le premier. En fosse, Andrew Davis dirige The London Philharmonic de manière efficace.

LB