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Chroniques
Gioachino Rossini
Guillaume Tell
La barre est dure pour le héros suisse qui tient bon tout au long de ce Guillaume Tell, donné ici presque tel qu'en sa version originale. La victoire finale de l'opéra est tout à fait méritée, après près de quatre heures de plaisir rossinien – l'enregistrement provient de l’édition 2013 du festival allemand Rossini in Wildbad de 2013.
Aux premières notes, le violoncelle s'échappe, la tristesse diffusée par l'orchestre de chambre tchèque Virtuosi Brunensis, dirigé par Antonino Fogliani, le directeur musical de Rossini in Wildbad. De l'Ouverture, avant la belle cavalcade si connue, la délicatesse des flûtes et des hautbois donne à l'Andantino une majesté alpine. L'atmosphère atteint même une plénitude mortuaire à la faveur du chœur des villageois, la sérénité et l'onctuosité de l'ensemble polonais Camerata Bach Choir, de Poznań, s'avérant déjà la valeur sûre de ce disque-référence.
Dans l'univers martial de Guillaume Tell (surtout à partir de l’Acte II)où domine la figure paternelle, les chanteurs ne déméritent pas, bien au contraire. À commencer par le ténor Michael Spyres (Arnold) – régulièrement salué par nos pages pour ses incarnations [lire nos chroniques du 31 août 2014 et du 28 juin 2012, ainsi que nos critiques du CD Rossini et Verdi] –, toujours sur la brèche, clair et agréable, souvent très expressif. De plus en plus frappant et juste à mesure qu'il devient chef des trois cantons réunis contre l'oppresseur Gesler, incarné par la basse Raffaele Facciolà avec l'aplomb et la légère pointe de sadisme seyant bien au rôle, le baryton Andrew Foster-Williams s'impose aussi dans l'action héroïque [lire nos chroniques du 29 janvier 2015, du 19 novembre 2011 et du 18 juin 2005, ainsi que nos critiques du CD Joncières et Catel]. Mêmes qualité théâtrale et finesse dramatique du chant chez le soprano Judith Howarth (Mathilde) qui partagerait ici la récompense du meilleur interprète féminin avec Tara Stafford, bien rajeunie pour composer Jemmy, fils de Guillaume. À l’Acte III, le soprano nord-américain s'illustre à merveille, cristalline et presque haletante, dans le bel air Ah, que ton âme se rassure – une rareté jadis coupée au stade des répétitions (avant la création).
Le génie de Rossini transparaît bien sûr à maintes reprises, dans tous les divers registres : dramatique, spirituelle, lyrique, symphonique, romantique, etc. Si finalement il fallait ne retenir qu'un passage particulièrement impressionnant dans cette riche musique, belle jusque dans son apparence inaboutie, le pas de trois suivi du chœur tyrolien, au cours du troisième acte, aurait notre faveur. L'Allegretto paraît à la fois gracieux et tonique, le chant frais, maîtrisé et interprété avec une grande réussite.
À signaler, enfin, parmi les suppléments à cette nouvelle intégrale, un merveilleux pas de deux et le finale de la version en trois actes conçue pour Paris en 1831.
FC